En complément de la note de lecture donnée par Pierre Kobel sur le livre de Jacques Lacarrière consacré à Paul Valet, un nouvel extrait de son œuvre et la publication de sa fiche bio-bibliographique complète
Je marche sur les pavés, sur le macadam, sur la terre battue sur l’asphalte, dans les rues sans fin et sans but. Pierres, cailloux, bitume, goudron, goudron solide, goudron liquide, blocaille, et encore et toujours pierres de toutes tailles. Et je marche dessus comme un automate hébété, un guignol difforme, sur le cimetière de la terre, étranger à la terre, où des millions de morts sous mes pieds sont couchés, squelettes depuis des millions de siècles. Des guerriers, des paysans, des chasseurs, des marchands, des vaillants, des puissants et des lâches. Tout un monde dissimulé par les morts, allongés en toute quiétude apparente. Et je marche dessus, avec mon arrogance qui me serre la gorge et qui m’empêche de connaître l’inconnu. Il faut expier l’impalpable, partout présent, partout vivant. Et je marche sur le cimetière de la terre, je marche sur la route et je marche par-delà et je marche par-dessus, en avant, en arrière, à travers. Et je marche quand je dors, et je marche quand je parle. Et je marche sur la route – macadam, bitume, goudron, cailloux, cailloutis, pierres et blocaille. Tout un monde abîmé, embourbé, encrassé, barbouillé, souillé, profané, dans une ville – squelette mouvant – dans ma ville squelette vibrant – où je marche écrasé, mort – béant.
Paul Valet, Que pourrais-je vous donner de plus grand que mon gouffre, 1983, in Jacques Lacarrière, Paul Valet, « Soleils d’insoumission », JM Place, 2001, p. 78
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envers
J’attends que cela arrive des jours des
semaines ou des mois qu’un mot bouché
ouvre tout doucement son ventre il y va de tout
ce qui doit arriver et s’accomplir Déjà des épiciers
entr’ouvrent leurs portes grosses de légumes Déjà
des autobus commencent à mastiquer de gros pavés
criards Déjà passent des passants passibles d’im-
passes Tout s’accomplit selon le rituel pio-
ché Dans mon jardin trois pies se mettent à
circuler Dans la cuisine des pots et bols sont
impérieux Déjà la chatte dans sa petite
caisse ouvre large ses grands yeux bleus
Tout s’éclaircit Le téléphone jaillit Déjà
ma tête s'effondre Déjà l’envers me happe
Paul Valet, Vertiges, 1987, in Jacques Lacarrière, Paul Valet, « Soleils d’insoumission », JM Place, 2001, p.81
bio-bibliographie de Paul Valet
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