Récupérer les matières pour les réutiliser à l'infini, c'est le concept du cradle-to-cradle, littéralement "du berceau au berceau".
Encore peu connus en France, l'architecte américain William McDonough et le chimiste allemand Michael Braungart sont pourtant deux personnalités de l'écologie industrielle. Leur ouvrage "cradle to cradle" date déjà de 2002. Leur credo, il est vrai, diffère des courants plus connus de l'écologie : loin d'une approche décroissante, il défendent une consommation "intelligente", fondée sur la réutilisation permanente des matières et des objets. Tous deux préconisent une "empreinte écologique positive" à travers une philosophie d'éco-conception qui consiste à penser le produit dés l'origine pour lui donner ensuite plusieurs vies. Et idéalement, le réutiliser à l'infini, y compris pour d'autres usages que sa fonction initiale. Eric Allodi, représentant en France de la technologie "C to C", explique le procédé : "toutes les matières qui composent un produit sont analysées pour identifier ce qui peut être recyclé et dans quelles filières de recyclage on peut les orienter, pour recréer de la matière première". Aujourd'hui, rares sont les produits qui sont pensés pour être recyclés, alors que les solutions techniques existent. Eric Allodi donne l'exemple de la moquette "dépolymèrisable", qui peut facilement être récupérée pour être retraitée. "Les entreprises y voient leur intérêt puisqu'on vient gratuitement les débarasser de vieux produit. Sous chaque dalle est inscrit le numéro à appeler, c'est simple". Mais pour être "cradle-to-cradle", la première condition est d'utiliser des matières non toxiques, qui pourront être réintroduites sans accroître la pression sur l'environnement, voire même qui pourront le "nourrir". Comme par exemple des cosmétiques biodégradables ou des t-shirts entièrement compostables , utilisés pour nourrir la terre. Ou encore des livre fabriqués dans un plastique réutilisable et des chaises conçues pour être démontées et recyclées.
Certification
Les industriels qui veulent adopter la démarche « C to C » peuvent le faire de manière progressive, trois niveaux de certification (argent, or ou platine) leur sont proposés. « Il faut d’abord s’assurer de la non toxicité des produits, puis instaurer un circuit de récupération de la matière première pour ensuite la réinjecter dans un nouveau produit. En fin de vie, chaque objet réintègre son circuit d’origine sans perte de qualité ni gaspillage de nutriments qui ont servi à la constituer », explique Eric Allodi. Depuis la première certification (qui comprend une vingtaine de critères) attribuée en 2005, 109 produits ont obtenu le label "Cradle to Cradle-C2C", pour un coût annuel compris entre 10 000 dollars (T-Shirt), et 15 à 20 000 dollars (chaise). Rhoner, fabricant suisse de textile, a ainsi revu toute sa production pour adopter des matières et des teintures naturelles compostables, qu’il revend à un consortium de producteurs de fraises… En France, la marque de collants Dim s’est également engagée dans ce procédé, en abandonnant polyamide et teintures conventionnelles pour des matières premières plus naturelles, avec l’appui financier de l’Ademe (à hauteur de 50 % soit 130 000 euros). Objectif : faire des collants compostables ou recréer de nouveaux produits à l’infini, à condition bien sûr que les consommatrices s’impliquent pour « rendre » leurs collants usés au lieu de les jeter. Le projet constitue en tout cas une vraie stratégie pour la marque qui, dans la foulée, a nommé un directeur développement durable et envisage un nouvel axe de communication autour du « C to C ».
Une ville 100 % Cradle to Cradle ?
En Europe, la démarche connaît déjà quelques succès, notamment en Hollande et en Allemagne. L’EPEA (Environmental Protection and Encouragement Agency) est le partenaire officiel « C to C » aux Pays-Bas, où la ville de Venlo (92 000 habitants) a annoncé devenir 100 % Cradle to Cradle d’ici 2012, avec une politique « zéro déchets ». La Chine, qui doit construire d’ici 7 ans pas moins de 200 millions de logements (soit 6 villes nouvelles) s’est engagée via l’Association chinoise du bâtiment dans la démarche. William McDonough explique avoir trouvé avec BASF un polystyrène « sans aucun produit chimique dangereux pouvant servir pour construire des murs solides, légers et super isolants", explique-t-il dans une interview au magazine Newsweek. "Le bâtiment peut être chauffé et rafraîchi pour presque rien. Il est silencieux au point que même s’il y a 13 personnes dans l’appartement du dessus, vous ne les entendez pas". Autre invention de l’architecte pour l’usine Ford, un toit végétal qui collecte puis purifie l’eau de pluie, tout en isolant le bâtiment. Outre la réduction de consommation d’énergies qu’il induit, le toit est lui-même plus économique, puisque sa durée de vie est deux fois supérieure à celle d’un toit classique.
Source : Novethic