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Soins intensifs: situation critique, Enquête fait le point

Publié le 01 mars 2009 par Suzanneb

Dans les grands hôpitaux de la région de Montréal, la situation aux soins intensifs est aussi grave que dans les urgences en raison de la pénurie d’infirmières, mais on en parle rarement. 

Pourtant l’unité des soins intensifs est le centre nerveux de l’hôpital, s’il y a un endroit où l’accessibilité doit être facile c’est bien ici puisque les malades sont souvent à l’article de la mort.

Il y a des lits mais on ne peut pas les ouvrir faute de ressources infirmières spécialisées dans ce type de soins.

Les journalistes d’Enquête ont voulu faire un retour sur un problème qu’ils avaient déjà traité il y a deux ans, pour savoir si les choses se sont améliorées ou dégradées.

Depuis 2 ans, dans son discours pré-opératoire aux patients, le Dr. Jean-François Giguère, neurochirurgien Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal répète: Si je n’ai pas de place aux soins intensifs, je ne pourrai pas vous opérer. Les patients lui répondent: Est-ce qu’ils faut que je sois en train de mourir pour être soigné ?

Non, de répondre le docteur, mais que voulez-vous que je fasse, entre 2 cas je dois choisir celui qui va le moins bien.

La souffrance que doivent vivre ceux qui attendent n’est comptabilisée nulle part, mais pourtant elle est bien réelle. J’en ai vu s’effondrer. J’ai vu des familles effondrées à cause de ça.

Le travail du Dr. Giguère est de sauver la vie de ses patients. Ce matin-là sa coupe était pleine, surtout qu’il venait de perdre dans la semaine, 5 jeunes patients.

C’est en pleurs qu’il explique au journaliste combien c’est difficile pour lui d’affronter son lot de souffrance quotidienne.

Hôpital Juif de Montréal

Il y a 2 ans, le chef des soins intensifs menait la bataille des intensivistes du Québec en tant que représentant de leur association. Il n’en pouvait plus de passer la moitié de son temps à chercher des lits pour ses patients. Il est aujourd’hui encore plus amer qu’avant.

Dr. Denny Laporta déclare:

Par manque d’accès il y a des gens qui meurent, il n’y a aucun doute là-dessus. Je pense que tout le monde pourrait témoigner de ça.

On pratique sous un standard de pratique acceptable. Les québécois méritent mieux que du sub-standard.

Au ministère, on est sourd. Ils prêtent une oreille mais on a aucune idée de ce qui se passe avec l’information qu’on leur donne.

Jusqu’à maintenant, la seule mesure qui a été retenue au niveau national est une prime de 10% aux employés de ces unités pour favoriser la rétention.

D’autres mesures seraient plus appropriées selon le syndicat des infirmières. D’ailleurs celui-ci ne voulait pas de cette prime. Ce sont les médecins qui l’ont négociée avec le gouvernement au nom des infirmières.

Toute la question tourne autour de la reconnaissance ou non du caractère spécifique de l’infirmière travaillant aux soins intensifs.

Lina Bonamie, présidente Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec déclare:

Nous ne sommes pas d’accord avec les primes en ce sens que ce n’est pas la seule solution, ce n’est pas la panacée.

Si on avait une prime à rajouter on devrait la donner à tout le monde ou à personne… et pas seulement aux infirmières des soins intensifs.

Cette déclaration fait sursauter l’ordre des infirmières du Québec.

Ghyslaine Deslauriers, Présidente Ordre des infirmières du Québec déclare:

Au Québec ça ne marche pas comme ça. C’est toujours camarade camarade, tout le monde pareil. Si c’est tout le monde pareil, tout le monde est dans le trouble. 

Est-ce qu’on veut vraiment faire quelque chose pour les soins critiques? si on veut il faut les particulariser.

Étonnamment l’ordre des infirmières du Québec a décidé de mener le combat avec les médecins contre les syndicats d’infirmières et le gouvernement. Pourquoi ? parce que l’ordre juge que l’infirmière des soins intensifs n’est pas une infirmière comme les autres.

Le principe même des soins intensifs c’est d’avoir une équipe ultra-compétente, ultra-spécialisée… qui se consacre minute par minute au patient.

Si on ne répond pas à ce critère, on ne répond pas au critère des soins intensifs.

Il y a une foule de raisons expliquant la pénurie d’infirmières aux soins intensifs. L’une des plus importantes étant: le temps supplémentaire obligatoire.

Hôtel-Dieu de Montréal

Dr. Tudor Costachescu, chef du service des soins intensifs du CHUM déclare:

Dans les grands hôpitaux universitaires sur l’île de Montréal, la situation est critique.

De plus en plus on est confronté à l’impuissance d’offrir des soins poussés aux patients qui sont les plus vulnérables.

Plus on attend pour intervenir, plus les conséquences sont graves.

Pour 7 patients qu’on n’a pas pu traiter dans les délais, il y en a un qui va perdre la vie.

Il n’y a personne, ni à l’agence, ni au ministère, ni dans les syndicats nationaux, qui soit prêt à reconnaître le statut spécial d’une infirmière hautement spécialisée, hautement qualifiée, en période de sévère pénurie comme les infirmières de soins intensifs.

Le jour où Enquête s’est présenté à l’Hôtel-Dieu la moitié des chirurgies avaient été annulées faute de place aux soins intensifs.

On observe un taux roulement de 17% aux soins intensifs du CHUM

Caroline Ouellet, intensiviste Hôtel-Dieu déclare:

Présentement la situation n’est pas juste compliquée, c’est alarmant.

Heureusement il y a l’exemple de l’Ontario

Printemps 2003, c’est le branlebas de combat dans la région de Toronto. Le SRAS se répand comme une trainée de poudre. 44 personnes en mourront, dont 2 infirmières et un médecin. Le système de santé est au bord de la rupture.

Le docteur Tudor Costachescu déclare:

En Ontario ça a pris la crise du SRAS pour se rendre compte de la fragilité du système.

Probablement qu’un moment donné nous serons confrontés à une crise majeure comme une attaque terroriste ou un accident horrible où l’afflux de patients dans le système va faire exploser la marmite et à ce moment-là il y aura probablement des mesures qui se mettront en place.

Là où la marmite a explosé en Ontario c’est principalement aux soins intensifs, où le personnel infirmier tombe comme des mouches.

Le Dr. Pierre Cardinal, intensiviste en Ontario depuis une vingtaine d’années. Il raconte qu’après le SRAS, le ministère de la santé de l’Ontario a lancé une vaste consultation auprès du personnel des soins critiques pour mieux coordonner le système.

On s’est aperçu qu’en tout temps on était à la limite de nos capacités.

Les gens du ministère parlent directement aux professionnels de la santé, pour identifier les problèmes, pour trouver des solutions.

Le Dr. Redouane Bouali, un confrère du Dr. Cardinal, était l’ancien chef des soins intensifs de l’hôtel-Dieu du CHUM à Montréal.

Il est venu pratiquer en Ontario parce qu’il n’en pouvait plus de la situation des soins intensifs au Québec. Il déclare:

Le manque chronique d’infirmières, la fermeture de lits, ça amenait beaucoup de frustrations.

Ici (en Ontario) j’ai rarement vu un chirurgien venir se plaindre que son cas était annulé.

C’est rare aussi que j’entends des infirmières se plaindre de leurs conditions de travail ou du niveau de stress.

Un virage à 180 degrés a été effectué dans toutes les unités de soins intensifs en Ontario.

270$ millions y ont été investis au cours des 3 dernières années.

La véritable différence est qu’en Ontario, le salaire des infirmières est beaucoup plus élevé qu’au Québec et que dans la plupart des hôpitaux de l’Ontario, il n’y a pas de temps supplémentaire obligatoire aux soins intensifs. 

Les lits sont aussi mieux gérés qu’au Québec. Les médecins n’ont plus à en chercher pour leurs patients. Une centrale téléphonique permet de savoir où sont les places disponibles dans les différentes unités de soins intensifs.

Le gouvernement a aussi investi dans la mise sur pied d’équipes volantes d’intervention en soins intensifs partout dans la province.

Le Dr. Bouali serait heureux de revenir pratiquer au Québec, mais il faudrait pour ça que ses mots comptent… actuellement les professionnels de la santé ne sont pas assez écoutés au Québec.

Un reportage à voir en vidéo sur le site de Radio-Canada.ca

Radio-Canada.ca – émission Enquête du 26 février 2009 – Soins intensifs, danger.


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