« Je n’aime pas le dogmatisme aboutissant à l’exclusion, à
partir de références obligées. Je reconnais parfaitement la dimension de
Mallarmé, Artaud, Ponge, Rimbaud… mais je ne vois pas en quoi cela gêne si je
dis que ces œuvres ne m’aident plus à vivre. Ce n’est pas un jugement de valeur
littéraire, c’est un constat. Les proses de Jaccottet, les poèmes de Michaux,
les œuvres de Baudelaire ou du Bouchet, celles de Follain et Reverdy…. pour ne
parler que de certains morts, continuent de m’aider à parler, à comprendre, à
respirer…
Je ne vois pas en quoi Follain est forcément ringard et
Ponge forcément moderne. Je ne vois pas pourquoi Guillevic n’aurait plus le
droit d’être cité… Depuis le début de la poésie, chaque lecteur s’approprie
dans la masse d’écrits, ce qui lui convient. Donc lire tout, autant que
possible. On découvre ainsi les œuvres qui nous concernent, nous accompagnent
momentanément, durablement, définitivement… C’est vraiment de l’ordre du chacun
pour soi. Il n’existe pas de Panthéon poétique, sinon celui que chacun se fait
selon sa culture, son expérience, sa vie, ses désirs… Si quelqu’un me dit que
La Fontaine est le plus grand poète français, je ne le prendrai pas pour un
crétin invétéré, invertébré intellectuellement, etc…»
Antoine Emaz, Cambouis, Editions du Seuil, coll. Déplacements, 2009, p. 54.