La ceremonie du the au japon. une ecole du geste dans un monde qui s'agite...

Publié le 01 mars 2009 par Sarah Oling

Nous sommes en permanence en mouvement, passant d'une activité à une autre, par crainte, peut-être d'avoir un espace de vacuité. Cet espace, après une période très agitée émotionnellement, je l'ai pris, en faisant des recherches sur les maîtres zen. Et je me suis attachée à la cérémonie du thé, belle, sobre et forte de symboles, dont je vais vous conter l'histoire.

Si la cérémonie du thé est née en Chine, c'est au Japon qu'elle s'est épanouie et qu'elle est encore de nos jours pratiquée selon les mêmes rites. La cérémonie du thé au japon, Cha No Yu, nous vient d'un moine, Yosai, qui, en 1191, lors d'un voyage d'études en Chine va se soumettre à la loi du bouddhisme zen et devenir le premier japonais à recevoir le titre de maître du zen. Il ramena de ce voyage des graines qu'il planta devant un temple, au mont Seburi, à Hirato, il devint alors "le père du thé". Depuis la tradition s'est perpétuée et de décennies en décennies, des écoles apparurent. Certaines, portées par les Shoguns, à l'origine serviteurs de l'empereur, mettent à la mode des cérémonies fastueuses de dégustation du thé, rivalisant en élégance et en luxe avec celles pratiquées en Chine. Mais sous l'influence de moines zen, la cérémonie se dépouille peu à peu pour évoluer vers plus d'intériorité et de spiritualité. Le maître de ce changement profond, vers 1430, fut Murato Shuko, du monastère de Daito-Kuji à Kioto. La culture japonaise se nourrit de la "voie du thé" dans cette volonté de faire perdurer le culte de l'instant présent, celui qui jamais ne se répétera.


"Dépourvu de tout geste superflu, pour ne pas distraire la pensée, le maître de thé s'attache essentiellement à amener les invités vers une paix du corps et de l'esprit propice à l'ouverture aux autres" Cérémonie codifiée, ritualisée, dans son approche philosophique, religieuse et initiatique, avec la notion d'impermanence et d'immobilité du temps. Au Japon, les salles de thé se retrouvent très souvent dans des musées, le profane et le sacré y ont toute leur place. En entrant dans une église, un temple, une synagogue ou une mosquée, nous nous devons d'abord de faire le vide en nous, de déposer symboliquement notre matérialité. Ainsi peu à peu, nous nous préparons à entrer dans une autre vibration, loin du bruit et de la fureur du monde, délimité par les rituels conçus par les maîtres du thé.

Ces jardins, dans leur beauté austère, sont comme un espace théâtral, où l'émotionnel se mêle au sens du sacré, aidant celui qui se laisse emporter hors de sa raison pure, à pénétrer dans un espace plus vaste que celui de notre quotidienne déambulation.
Au Japon, la traversée d'un jardin doit permettre aux participants à la cérémonie du thé de se préparer par le cœur et l'esprit au rituel, le jardin lui-même doit, dans sa scénographie, position des minéraux, des végétaux, dépayser ceux qui l'empruntent. C'est d'ailleurs au centre de ces jardins que les samouraïs déposaient leurs armes, ainsi dépouillés au sens littéral de leurs métaux, ils étaient prêts à vivre la cérémonie.


Poursuivons notre voyage. Après avoir traversé le jardin, entre deux mondes, le participant est invité à se courber, parfois à ramper, pour franchir la porte basse et étroite qui le mènera au lieu où lui sera servi le thé. Basse et étroite, pour permettre d'abandonner tout sentiment d'orgueil et de supériorité à l'extérieur, et se déplacer à l'intérieur dans un état d'esprit d'humilité.


La pièce où le thé est servi se compose en général d'une alcôve dans laquelle sont disposés une œuvre d'art, le kakemono, parchemin décoré d'une peinture ou d'une calligraphie, et un arrangement floral, tous deux en relation avec la saison, Un feu de charbon de bois a été préparé et de l'encens brûle. Chaque plante, chaque fleur, chaque objet fait sens, jusque dans la recherche de couleurs atténuées, pour demeurer dans une austère sobriété. C'est l'avènement de l'art floral, le Tatebana et des Kare Sansui, jardins sans plantes.


Après ce temps de préparation, lent, très lent, se déroule la cérémonie, dans cet espace qui se doit d'être sobre et simple, à l'image d'un monastère, ou d'un temple. Sont disposés les divers objets, bouilloire en fonte, louche en bambou, fouet en bambou, la boite à thé, contenant le thé en poudre, le Matcha, tous très raffinés. La cérémonie complète, appelée cha-ji, comprends un repas léger, le kaiseki, qui peut durer 4 heures, précédé de l'offrande d'un gâteau- O-Kashi, très sucré, pour faire apprécier l'amertume du thé, consommé avant de déguster le breuvage.


L'atmosphère créée par la beauté de l'environnement naturel, des arts, l'harmonie des énergies, et le déroulement régulier de la réunion permettent au participant d'oublier le monde extérieur, donnant à la cérémonie du thé toute sa dimension spirituelle. La cérémonie se déroule à couvert, loin des regards profanes. Un invité d'honneur est souvent présent, auquel, pour garder le caractère rituel, au centre de la philosophie de cette cérémonie, il n'est attribué aucun privilège, ni aucune supériorité sur les autres participants.


Le Teishzb, Maitre du thé, dans un langage codifié, tente, à l'aide de mots justes qui accompagnent son rituel, de puiser dans son humilité les quatre vertus qu'il à l'honneur de transmettre à ses invités, l'harmonie, le respect, la pureté et la sérénité. Lorsque le dernier participant a passé la petite porte, il poursuit la cérémonie, seul, par un temps de méditation, puis, avoir rangé et nettoyé la pièce, entre de nouveau dans une dimension profane.


Pour conclure ce voyage, j'ajouterai simplement que toute société a besoin de piliers et de valeurs pour établir ses fondations. Les rituels qui nous constituent en sont la clé de voûte, dans leur immuabilité. Ainsi va notre vie, entre course en avant et besoin de se réfugier dans du connu, du doux, du bienfaisant.