La Trilogie Art of the Devil

Par Geouf

Cela n’aura échappé à personne, le cinéma asiatique, et tout particulièrement son versant horrifique, est en plein boom en ce moment. Les américains réalisent des remakes de films d’horreur japonais ou coréens à la pelle, et en France n’importe quelle bouse DVD estampillée « Asie » se vend comme des petits pains. Il était donc logique que d’autre pays moins connus pour leur cinématographie se lancent un jour ou l’autre dans l’aventure. La Thaïlande fait donc parti des pays asiatiques ayant décidé de surfer sur la vague « asian horror » et la trilogie Art of the Devil étant le porte-étendard de cette nouvelle vague, il était normal que je m’y intéresse tôt ou tard. D’autant que cette trilogie culte dans son pays d’origine a la réputation d’être particulièrement gore et extrême…

Art of the Devil (Khon Len Khong) de Thanit Jitnukul

Le premier épisode de cette trilogie raconte comment une jeune femme tombe amoureuse d’un riche homme d’affaire et devient son amante. Elle finit par tomber enceinte, ce qui bien évidemment ne plait pas à l’élu de son cœur. Celui-ci la paye grassement pour rester à l’écart et décide de la faire violer par ses amis (oui, ils ont des coutumes bizarres dans le pays). Lorsque la jeune femme perd son bébé après un accident, elle décide de se venger et de faire payer la famille de son amant grâce à la magie noire…

Le moins qu’on puisse dire de ce premier épisode, c’est qu’il ne motive pas du tout à découvrir les autres films de la série. L’interprétation est plus qu’approximative (mon dieu le morveux qui chiale à chaque fois qu’il est à l’écran !), la réalisation digne d’un téléfilm France 3 Picardie (copyright l’ouvreuse) et la photo d’une laideur absolue. Et ce ne sont pas les scènes gores qui viendront contenter l’amateur de barbaque puisque celles-ci sont réduites à peau de chagrin. Tout juste aperçoit-on de loin un personnage du ventre duquel sortent des vipères, ou bien encore un bout de verre qui remonte le long de la jambe d’un autre. C’est réellement peu pour retenir l’attention du spectateur. Surtout que ce n’est pas le scénario qui risque de passionner le monde, puisque celui-ci est bizarrement construit en flashbacks et grille toutes ses cartouches en 20 minutes (dès le début on sait à peu près comment le film va finir, ce qui ruine tout le suspense). De plus, cette histoire de vengeance sur fond de magie noire n’a rien de vraiment original, si ce n’est qu’elle se déroule en Thaïlande. Le film se permet même de repiquer le personnage du journaliste sympa du film La Malédiction de Richard Donner ! Bref, on a bien du mal à comprendre pourquoi ce film plus qu’anecdotique à pu donner deux suites…

Note : 2/10


Art of the Devil 2 (Long Khong) du collectif Ronin

En 2005, soit un an après la sortie du premier film, un collectif de sept réalisateurs décide de donner une suite à celui-ci. Enfin, pas vraiment une suite, puisque le second long métrage de la série (titré Long Khong en VO) raconte une histoire totalement indépendante du premier film. Car s’il est encore bien évidemment question de sorcellerie, ce second film s’avère largement plus hargneux et convaincant. On suit ici les aventures d’un groupe de cinq jeunes gens qui se retrouvent deux ans après la fin du lycée pour l’enterrement du père de leur ami Ta. Ils vont très vite s’apercevoir que ces retrouvailles sont un piège mortel lié à un terrible secret qu’ils pensaient bien enfoui…

Autant le dire tout de suite, ce deuxième film de la série est de bien meilleure qualité que le premier. La réalisation est plus maîtrisée, l’interprétation plus solide et le film distille cette fois une vraie ambiance malsaine rehaussée par de nombreuses scènes gores assez craspecs. L’intrigue se déroule moitié dans le présent, moitié en flashbacks afin de dévoiler le(s) secret(s) de cette bande d’amis. Encore une fois, l’histoire n’est pas des plus originale et pique des idées à droite à gauche, mais sans que cela soit trop gênant. On pense en vrac à Souviens-toi l’Eté dernier (pour les meurtres liés au secret des héros), à Sixième Sens (pour le twist final), et le personnage de la belle-mère rappelle furieusement celui de la jeune femme du dérangeant Audition de Takashi Miike (on a même droit à une scène de torture similaire à celle clôturant le film de Miike, mais cette fois avec un chalumeau en lieu et place du fil à couper le beurre). Mais heureusement, les scénaristes ont eu la bonne idée de construire une intrigue à tiroirs assez bien pensée, ce qui fait que l’on est régulièrement surpris et que l’on n’a pas le temps de s’ennuyer. Et cette fois, niveau gore on peut dire qu’on est servi, les sévices étant nombreux et variés (et tous très douloureux) : pustules qui renferment des hameçons acérés dans la scène d’ouverture, ragoût de viande humaine, chat et humains dévorés vivants, arrachage d’ongles, torture au chalumeau, rien n’est oublié, et le plus souvent en gros plan. Mais au-delà de cet aspect gratuit, le film distille une certaine idée du karma purement asiatique, à savoir que le mal que l’on peut faire aux autres finira toujours par se retourner contre nous.

Sans être un chef d’œuvre du genre (le film est tout de même un peu trop complaisant et rappelle la série des Saw sur ce point-là), Art of the Devil 2 se place largement au-dessus de son aîné et de sa suite.

Note : 6/10


Art of the Devil 3 (Long Khong 2) du collectif Ronin

Trois ans après la boucherie de Art of the Devil 2, la Ronin Team remet le couvert pour une autre aventure, cette fois une suite/préquelle du précédent film. Ce troisième long-métrage se déroule en effet durant les deux ans pendant lesquels les héros du premier film ont été séparés, et raconte comment Panor, la belle-mère meurtrière du précédent opus, a d’abord massacré toute la famille de Ta (le héros du précédent film) avant d’attendre patiemment la venue de ses victimes suivantes.

Cette fois, la Ronin Team ne prend pas de pincettes et rentre directement dans le vif du sujet. Après une intro encore une fois bien gore mettant en scène un sorcier ayant absorbé trop de magie et cherchant à la contenir, puis quelques flashbacks du précédent film, ce troisième et dernier opus ne perd pas de temps. A peine les nouveaux personnages ont été présentés que la boucherie commence avec un avortement sauvage (qui cette fois rappelle l’épisode Imprint de la série Masters of Horror, réalisé par… Takashi Miike, décidément !) et une séance de magie noire pour transférer l’âme de la mère décédée de Ta dans le corps de la vile Panor (encore qu’à cette époque-là elle n’avait fait que tromper son mari). Bien évidemment, l’opération ne se déroulera pas tout à fait comme prévu et Panor ne tardera pas à récupérer son corps à et à se venger. Difficile de faire plus simple au niveau du scénario, puisque ici il s’agit juste d’une bonne vengeance des familles, au cours de laquelle tout le casting se fait éliminer de la façon la plus gore possible. Et encore une fois, la Ronin Team ne lésine pas sur les effets chocs : yeux maintenus ouverts par des épingles à nourrice plantées dans les paupières, femme enceinte dont le ventre explose, personnage dévoré vivant par des vers, un vrai festival. De nouveau, on retrouve une certaine ironie dans le fait que toute action impliquant de la magie finit tôt ou tard par revenir dans la figure de celui qui a agi. Mais après ça, le film est clairement fait pour surfer sur le succès du précédent, et tire un peu trop sur la corde, arrivant même à s’emmêler les pinceaux par moments (la grand-mère meurt ici en s’enfonçant une aiguille à tricoter dans la tête alors qu’elle était censée mourir de faim selon le précédent opus). Très court mais très bête, ce dernier film bénéficie tout de même d’une belle bande originale et de la présence de la toujours charismatique Napakpapha Nakprasitte dans le rôle de Panor. Toujours est-il que le film s’oublie certainement très vite…

Note : 5/10


Véritable phénomène de société en Thaïlande, la trilogie Art of the Devil n’est finalement que le pendant asiatique de la série des Saw, à savoir une série de films destinée à un public adolescent, jouant la carte de la surenchère gore à tout prix. Pour un occidental, la série permet tout de même de découvrir certaines des croyances du pays, notamment en matière de magie noire. L’amateur de gore appréciera aussi l’inventivité des réalisateurs thaïlandais en la matière, mais les films ne resteront certainement pas dans les annales…

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