Il y a peu, on reconnaissait le touriste à sa manie de se cacher derrière son reflex japonais. Comme on ne voyait jamais son visage, on s’imaginait que lui aussi, touriste, était systématiquement japonais. Il ne regardait pas le monde, mais l’image formée par le monde sur son petit dépoli, grossi par un oculaire qui ne permettait cette contemplation qu’à un œil à la fois.
Très vite, tout a changé. Le touriste japonais — paraît-il devenu chinois — regarde désormais le monde en prise directe, avec ses deux yeux. Seule gêne : au premier plan, ses deux bras tendus, souvent un peu en hauteur, au bout desquels les mains tiennent le compact numérique de rigueur. Pour le spectateur, c’est assez cocasse, ces foules aux bras levés. Pour le touriste, ça change tout, ce premier plan formé par une partie de lui-même doit donner une dimension nouvelle à ce qu’il perçoit du reste du monde.
Malheureusement, revoilà le reflex, version numérique, sans écran de visée. J’espère que le touriste gardera cette habitude de lever les bras.