Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a répondu, lundi 27 août, lors d'un forum économique à Budapest aux demandes insistantes, venues notamment de France et d'Italie, de ne pas relever à nouveau le loyer de l'argent... en laissant planer le doute.
Le président de la BCE a déclaré qu'une décision sur une hausse des taux lors de la prochaine réunion du comité de politique monétaire, le 6 septembre, serait prise seulement "à ce moment-là". "Nous évaluerons les éléments de la finance européenne et mondiale et les risques pour la stabilité des prix à moyen terme. La Banque ne s'engage jamais à l'avance. Les déclarations du 2 août ont été faites avant les turbulences du marché", a-t-il ajouté.
A 65 ans, M. Trichet est aujourd'hui le plus expérimenté des dirigeants des grandes banques centrales et a beaucoup appris d'Alan Greenspan. Son aîné - ce dernier a 81 ans - a dirigé la Réserve fédérale américaine (Fed) de 1987 à 2006 et sa capacité à gérer les crises et dire tout et son contraire est légendaire.
Le comité de politique monétaire avait laissé entendre, lors de sa réunion du 2 août, qu'il allait porter de 4 % à 4,25 % le taux d'intérêt au jour le jour en ayant employé dans son communiqué le terme codé de "grande vigilance" face à l'inflation.
Depuis, la crise du crédit immobilier américain et sa contagion au système bancaire mondial ont changé la donne et contraint les banques centrales, surtout la BCE et la Fed, à jouer leur rôle de prêteur en dernier ressort pour rétablir la confiance.
Elles ont prêté des centaines de milliards d'euros aux banques qui éprouvaient des difficultés à se refinancer. La BCE a encore injecté 40 milliards d'euros en fin de semaine, précisant que sa politique monétaire "a été exprimée par son président le 2 août". Cela s'appelle souffler à la fois le froid et le chaud.
M. Trichet comme son homologue Ben Bernanke, le président de la Fed, ne veulent pas donner le sentiment que la politique monétaire est à la merci des soubresauts des marchés. L'un comme l'autre sont, à la différence de M. Greenspan, des banquiers centraux "orthodoxes". En inondant les économies de liquidité comme l'a fait ce dernier en 1987, en 1998 et en 2001 pour enrayer des crises financières, ils sont convaincus qu'ils prépareront l'apparition d'une nouvelle bulle après celles de l'Internet ou de l'immobilier américain. Ils ne veulent pas non plus donner aux spéculateurs un sentiment d'impunité qui les assurerait d'être sauvés quels que soient leurs excès.
En Europe, cette contradiction entre la nécessité de maintenir le système à flot et de ne pas faire de la politique monétaire le jouet des circonstances vaut à M. Trichet des volées de bois vert. En France, le président de la République Nicolas Sarkozy, son premier ministre François Fillon et sa ministre des finances Christine Lagarde ont martelé qu'il n'y avait pas de risque inflationniste et donc pas de raisons de remonter les taux.
Quant à M. Bernanke, il est aussi dans une posture délicate, dix-huit mois après avoir succédé à M. Greenspan. Il avait déclaré, au début de l'été, que la crise du crédit à risque aux Etats-Unis était "contenue"...
Source : Le Monde - Eric LESER