Les souvenirs sont la lumière fossile de notre passé.
Le plus étrange, chez les Français, est peut-être cette tendance qu'ils ont à s'identifier à tout prix aux victimes, aux loosers, aux damnés de la terre, même - et surtout - lorsqu'ils n'en sont
pas.
Tout sauf se voir soupçonné de faire partie des "privilégiés" (quel mot vilain )!
Il résulte de tout ceci une impression assez hilarante. Est-ce une "pose" ?
Peut-être, mais cela fait aussi partie, plus profondément, de leur culture : la France a une tradition révolutionnaire de "haine
des privilèges" chevillée au corps. Être "nanti", dans l'inconscient collectif français profond, c'est, ça reste être "du mauvais côté de la barrière". Râler, se faire plaindre, c'est tellement
plus gratifiant ! Cela permet, en outre, de revendiquer, d'exiger "toujours plus".
Les Français veulent tout, c'est à dire "le beurre et l'argent du beurre". S'ils jouissent de leurs privilèges à la manière de tous les nantis de cette terre, ils n'en renoncent pas moins à se
faire du cinéma, à "faire leur cinéma" , pour entretenir une image d'eux-mêmes plus flatteuse, moins insupportable et , par la même occasion (peut-être) pour se déculpabiliser.
Question : est-ce que le phénomène "gauche caviar" n'existe qu'en France ?
Chaque chose, chaque phénomène possède une multiplicité de facettes. Il en résulte que chacun d'entre eux ne peut être connu que fort partiellement. C'est là la magie des choses, leur irisation,
leur chatoiement. Nous ne pouvons avancer vers elles, les approcher que par angles d'approche, forcément partiels, leur totalité nous échappe, nous est à jamais refusée, fermée, ce qui,
quelquefois, nous irrrite (à juste titre). C'est ainsi que l'ambiguité des choses, des évènements nous déjoue. La lune, par exemple, nous dérobe sa face cachée. Du cube, il ne nous est donné de
percevoir que trois portions, trois carrés visibles. Cette compexité nous condamne à l'impuissance. Au partial et au partiel.
Ajouté à cela, le foisonnement que le réel affiche. Kaléidoscope qui entretient sa mobilité, sa mouvance. N'y a-t-il pas, je vous le demande entre mille, de quoi s'y perdre ?
Les choses induisent la résignation et la défaîte. Chaque fait implique la façon qu'on a de l'appréhender, de le percevoir. L'essence des choses, des phénomènes n'est-elle pas une illusion grave
?
Chaque chose, en somme, est le produit de nos réactions, de nos réflexions. Voilà qui complique encore sérieusement l'accès à leur éventuelle "essence" !
On peut aborder ce qui nous entoure de mille et une façons. Tout est vrai. Mais chaque angle d'approche donne lieu à des conflits.
Justement, peut-être, parce que tout est vrai, que rien n'est à exclure.
Les choses sont faites à l'image de dieu : mille bras, mille têtes, mille points de fuite.
Patricia Laranco.