En 1981, Eric Frechon poussait fébrilement pour la première fois les portes du Bristol. A l’époque, les cuisines étaient dirigées par Emile Talbourdiau. Pendant deux ans, Eric le timide travaillera à ses côtés en se jurant tous les matins, qu’un jour, il occuperait sa place.
Un parcours exemplaire
Fils de négociant en fruits et légumes et petit-fils d’agriculteur, Eric vit en Haute-Normandie. Sa passion pour la cuisine l’oblige à quitter cette région qu’il aime par-dessus tout. Avec son CAP et son BEP en poche, il arrive à Paris et entre comme commis de cuisine à La Grande Cascade avant de rejoindre Le Bristol puis Taillevent où il devient chef de partie. En 1985, il s’envole pour l’Espagne où une place de second de cuisine l’attend à l’Hôtel Byblos Andaluz avant de revenir à Paris à La Tour d’Argent dans l’équipe de Manuel Martinez. A 25 ans seulement, il occupe son premier poste de chef au Restaurant Les Ambassadeurs à l’Hôtel Crillon. Il y restera sept ans sous la direction de Christian Constant qui va lui ôter cette timidité et lui faire découvrir la convivialité, le ballon ovale, les sorties entre copains et l’aider à obtenir au passage le titre de Meilleur Ouvrier de France, ce qui lui permet d’arborer aujourd’hui le drapeau bleu, blanc, rouge, sur le col de sa veste.
En 1995, il ouvre son propre restaurant dans le 19ème « La Verrière d’Eric Frechon ». Le succès est immédiat mais entre deux services, il n’oublie pas ce qu’il s’était juré entre 1981 et 1983 quand il était commis au Bristol, diriger les cuisines de ce palace dont certains n’hésitent pas à penser qu’il est l’un des plus beaux du monde. En septembre 1999, il y dirige son premier service et une brigade de 80 personnes, le Guide Michelin lui attribue 2 étoiles.
Le goût et la technique
Un Meilleur Ouvrier de France est forcément un grand technicien. Ajoutez à cela, une quête perpétuelle de nouveaux produits et de nouveaux goûts et vous obtenez une cuisine qui allie les grands classiques aux associations les plus inédites comme ce filet de chevreuil poêlé aux cinq saveurs, des rouelles de betterave confite et une sauce grand veneur. Le gibier, une des préférences d’Eric avec les crustacés. La première parce qu’elle permet à un cuisiner de prouver tout son talent et de s’exprimer, la seconde parce que les crustacés, c’est un peu sa Haute-Normandie qui entre en cuisine. Même de simples bigorneaux trouvent leur place aux côtés d’un turbot cuit sur galet au beurre d’algues. Mais qui dit nouveaux produits ou nouveaux goûts ne veut pas dire, cuisine étrangère. Eric reste un fervent défenseur du patrimoine français. Il voyage peu au-delà de nos frontières et n’a aucune envie d’intégrer dans ses plats quelques notes exotiques. Sa carte est symptomatique, ça sent les terroirs de France à chaque ligne, homard breton, merlan de St Gilles Croix-de-Vie, bar de l’Ile d’Yeu, ail de Lautrec, poularde de Bresse, agneau de Lozère, lièvre de Beauce, marrons d’Aubenas et figues de Solliès.
Une équipe complice
Depuis 1999, Eric a réuni toutes les conditions pour obtenir un jour cette 3e étoile, à commencer par une brigade aux CV qui peuvent en faire pâlir plus d’un. Au quotidien, les membres de son équipe en cuisine accompagnent la créativité et la création de haut niveau recherché par Eric mais ils ne sont pas les seuls. Les chefs de rang et les maîtres d’hôtel passent à table régulièrement. Ils goûtent et écoutent le maître pour mieux retranscrire ensuite en salle la façon dont ce plat a été pensé. Mais il peut encore évoluer en fonction des réactions des clients car chaque création se glisse dans le menu à 95 € (au déjeuner) et les échanges entre les clients et les chefs de rang sont immédiatement retranscrits au chef. Ces dernières semaines, la phrase « ce plat vaut trois étoiles » revenait régulièrement aux oreilles de la brigade. Les encouragements sont nombreux, l’équipe se sent portée par un chef plein de talent et une clientèle aguerrie aux cuisines de haut niveau. A chaque fois qu’Eric s’est fixé un objectif, il l’a atteint. A chaque fois qu’il s’est promis quelque chose, il l’a obtenu.
Hôtel Le Bristol. 112, rue du Faubourg Saint-Honoré. 8ème. Tél : 01 53 43 43 00. www.hotel-bristol.com. Menus : 95 € (au déjeuner), 210 € (saveur hivernale). Carte : compter 200 € sans les boissons.
Quelques plats :
- foie gras de canard cuit en papillote, huîtres fumées, bouillon de canard au thé vert,
- poularde de Bresse cuite en vessie aux écrevisses, royale d'abats et truffes noires,
- merlan de ligne de St Gilles en croûte de pain aux amandes, tétragone mi-cuite, huile de curry,
- litchis en neige meringués, parfum de rose, poire et citron,