Les deux principaux syndicats de magistrats en France ont dénoncé un projet de loi qui prévoit l'extension du "secret défense" à des lieux et non plus seulement des documents, et qu'ils voient comme "une reprise en main des juges par le pouvoir politique".
"C'est un nouvelle étape dans la reprise en main des juges par le pouvoir politique", a affirmé Laurent Bedouet, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).
"C'est un texte inédit et scandaleux à la constitutionnalité douteuse", dit Laurent Bedouet, dont le syndicat a rencontré le ministre de la Défense Hervé Morin pour l'alerter. Le ministère n'avait pas réagi en début de soirée.
Selon le syndicat de la magistrature (SM, gauche), "alors qu'en l'état du droit, seuls des documents peuvent être classifiés, le projet de loi prévoit de protéger des lieux entiers".
Selon lui, ce nouveau texte vise "à la fois à étendre le champ du secret-défense et à limiter drastiquement les pouvoirs d'enquête des juges d'instruction".
Le projet de loi de programmation militaire 2009-2014 prévoit que "seuls peuvent faire l'objet d'une classification, les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale".
Ce texte ajoute que lorsqu'une perquisition est envisagée dans un tel lieu, elle ne peut être réalisée qu'en "présence du président de la commission consultative du secret de la défense nationale" ou l'un de ses représentants.
Toute perquisition "doit être précédée d'une décision de déclassification temporaire aux fins de perquisition".
Pour le SM, ce texte "a été conçu à la suite d'investigations qui ont semé l'émoi dans les milieux politiques et militaires": l'instruction de l'affaire de la vente de frégates française à Taïwan qui s'est terminée par un non lieu en France mais a abouti à des condamnations à Taïwan.