Un philosophe populaire est-il encore un philosophe ? La philosophie peut-elle devenir populaire sans se perdre ? D’un côté, les croyances dites populaires sont sans fondement ; de l’autre, les langues témoignent d’une sagesse populaire. Le peuple et la philosophie peuvent-ils s’entendre?
On voudrait opposer la popularité et le savoir comme la facilité et la rigueur, la banalité et le raffinement. On entend alors par popularité cette espèce de flatterie qui cherche la faveur et le succès, et non à instruire. Rendre le savoir populaire en ce sens, c’est n’en conserver que ce qui peut plaire et le réduire à la dimension supposée étroite des esprits.
Ce n’est pas ainsi que Kant l’entendait, qui y voyait au contraire une perfection. Être capable de se faire comprendre par le plus grand nombre grâce au choix des mots et des exemples, c’est le signe d’une pleine maîtrise de son sujet. Il est rare de savoir présenter simplement une théorie difficile.
Mais n’est-ce pas à nouveau réduire le savoir ? C’est plutôt le débarrasser des termes techniques et des raisonnements comme on enlèverait des échafaudages. Analyser simplement des exemples c’est en quelque sorte donner à voir l’édifice entier, en gommant ce qui a servi à le construire. Mais ce n’est pas le rendre moins solide, ni plus étroit.
C’est au contraire s’assurer de sa solidité. Car l’adhésion des spécialistes est parfois due à des préjugés. Il serait partial de ne consulter qu’eux. S’adresser à un public qui n’est d’aucune d’école et le convaincre en exposant différemment la même thèse constitue donc une confirmation.
On peut ainsi pratiquer la popularité sans réduire le contenu de la philosophie, mais en étendant son usage.