Elu président de la Turquie à l'issue d'un troisième tour de scrutin au parlement d'Ankara, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül s'est engagé à défendre la laïcité républicaine en chef d'Etat impartial, montrant ainsi le souci d'apaiser les tensions intérieures et les appréhensions européennes. Sa cérémonie de prestation de serment a été boycottée par les partis républicains et laïcs
Le général Yasar Buyukanit, chef des forces armées, a accusé lundi encore des « centres du mal » de chercher à détruire la république laïque, laissant ainsi entendre que les militaires ne resteraient pas passifs au cas où le principe de la séparation de l'Etat et de la religion leur semblerait menacé. L’armée est constitutionnellement garante de cette laïcité.
Comme l’élite laïque, les généraux turcs, qui ont renversé quatre gouvernements depuis 1960, se méfient du passé islamiste de Gül, restent persuadés que la mouvance islamiste ont toujours le but d’instaurer un régime islamiste et s'inquiètent entre autres de voir son épouse porter le foulard islamique, avec tout ce qu’il recouvre comme symboles, au palais présidentiel de Cankaya. Le voile au Palais ? Pourquoi pas dans les écoles, les universités et ailleurs ? L’effet de contagion pourrait être dévastateur pour les héritiers d’Atatürk…Déjà, près de 73% des Turcs trouvent « normal » selon un sondage que leur Première Dame porte voile
« Tant que je serai en fonctions, je rassemblerai tous nos concitoyens sans aucun préjugé », a déclaré le président élu dans son discours inaugural après avoir prêté serment. Il a promis de défendre les principes de la laïcité, tout en insistant sur le fait qu'ils garantissaient aussi la liberté de culte, et a également dit que la Turquie devait poursuivre ses efforts sur la voie d'une adhésion à l'Union européenne.
A Bruxelles, où il a lancé les négociations sur l’adhésion, on le connaît et on lui fait confiance, comme à Strasbourg d’ailleurs où il a toujours montré son attachement aux valeurs de la démocratie pluraliste et démontré plus d’une fois son intelligence politique. On est certain qu’il fera tout pour éviter l’épreuve de force avec l’armée et à favoriser les réformes favorisant l’européanisation des moeurs politiques.
Un fonctionnaire européen qui le connaît bien confie à RELATIO : « Il aura à cœur de montrer que la Turquie connaît aujourd’hui une majorité politique démocrate-islamique, et non islamiste, comme l’Italie, la France, la Belgique, l’Allemagne et d’autres, ont pu et peuvent encore avoir des démocrates-chrétiens au pouvoir. La démocratie chrétienne n’a pas tué la laïcité en France, pourquoi les démocrates musulmans tueraient-ils la laïcité turque ? Il respectera mieux que d’autres les messages sociaux et égalitaires d’Atatürk et saura juguler les pulsions nationalistes malsaines. Ceux qui craignent le pire vont être surpris par ce qu’il pourra faire avec le gouvernement d’Erdogan ».