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Que nous annoncent les mauvais chiffres du chômage ?

Publié le 26 février 2009 par Objectifliberte

L'expérience nous apprend à être prudents vis à vis des chiffres de variation mensuelle du chômage, qui sont parfois biaisés par de "bêtes" questions de collecte statistique, et corrigés dans le mois qui suit. Mais tout de même, comme je le prévoyais au tout début de l'année, les chiffres de janvier sont calamiteux.

Voilà ce que j'écrivais alors :

L'intérim, indicateur traditionnellement fiable du marché du travail, connaît une baisse d'activité sensible. Or, décembre est traditionnellement un mois ou beaucoup de CDD annuels ou semestriels se terminent. On peut donc hélas raisonnablement supposer que le taux de renouvellement sera plus faible que d'habitude. Les chiffres du chômage de janvier -- qui paraîtront en février -- risquent d'être particulièrement mauvais, sauf miracle du lissage en "données corrigées des variations saisonnières", grande invention s'il en est.


Le miracle des Données CVS n'a pas eu lieu: + 90.000 chômeurs sur un seul mois, un bien triste record. Simple trou d'air, ou signe annonciateur de temps très durs ? Je penche hélas pour la seconde alternative.

90.000 Chômeurs de plus, c'est énorme, et pourtant le sous-emploi est certainement sous-estimé : nombre d'entreprises ont actuellement recours au chômage partiel dans des proportions inhabituelles, le taux d'utilisation de notre appareil de production est au plus bas, et la rapidité de sa chute est stupéfiante. cf. Courbe ci-dessous.

Indice d'utilisation des Capacités de production

Source INSEE - L'utilisation de nos capacités de production
est en chute libre, en France comme chez nos voisins

La prolongation des courbes est un exercice dangereux, mais même en cas d'adoucissement de la vitesse de la dégradation de l'utilisation de nos capacités productives dès février, ce qui n'a rien de certain (à dire vrai, qui peut le prévoir ?), le retournement de tendance aura besoin "d'un certain temps" pour se produire, Cf. le précédent de 1992-1994. Par conséquent, les chiffres de l'emploi des mois à venir ne seront pas bons non plus. 

Les budgets des états étranglés

Une dégradation aussi rapide et brutale de l'utilisation de nos capacités de production est sans précédent depuis que l'on mesure cet indicateur.  Les conséquences pour le budget de l'état risquent d'être dramatiques:

  • Hausse des demandes de dépenses sociales (et notamment ASSEDIC) à un rythme inattendu et donc non prévu par les prévisionnistes des finances, aboutissant à des besoins de trésorerie de l'état plus importants qu'escomptés.
  • Baisse des recettes fiscales dans des proportions pas imaginées par les décideurs. 
  • Résultat: Un déficit encore plus élevé que prévu, et donc un besoin de financement de l'état sur les marchés financiers encore plus important qu'anticipé, et ce pour tous les états, simultanément. Alors même que la prévision de déficit enfonçait tous les records antérieurs, cette prévision a de fortes chances d'être exagérément... optimiste. C'est l'effet "Ciseau".

Les états (au sens large. Il faut y inclure les collectivités locales) sont dans une situation que l'on peut qualifier de désespérée, et les stupides politiques de relance décidées un peu partout dans le monde aggravent la situation, n'en déplaise à Martine Aubry, encore venue réclamer au gouvernement une relance plus conséquente au dernier JT. La peste soit de l'incurie économique de nos politiciens.

En effet, les gouvernements devront emprunter de grandes quantités d'argent sur les marchés de capitaux, en grande partie de nouveaux capitaux. Or, emprunter sera de plus en plus difficile.
En temps ordinaires, lorsque la masse monétaire croît dans des proportions "normales" (terme impropre, pas le temps de développer), et lorsque les déficits publics sont "raisonnables" (idem), les sommes empruntées sont en général légèrement supérieures à la simple reconduction des emprunts arrivés à échéance (les prêteurs qui sont remboursés réinvestissant aussitôt dans les mêmes instruments de dette publique). L'accroissement de la masse monétaire permet  d'augmenter la masse de l'épargne capable de s'investir dans le surcroît de dette publique: les états n'ont aucun mal à trouver des fonds pour leurs emprunts.

Des états sous haute tension

Mais dans la crise actuelle, la masse monétaire tend à se contracter rapidement, du fait de l'obligation, pour les banques, de réduire leur émission de monnaie par le biais du crédit: les banques ne peuvent plus re-prêter autant (création monétaire) que ce qui leur est remboursé (destruction monétaire). La masse monétaire tend à se contracter, malgré la politique "d'injection de liquidités" des banques centrales au bilan des banques commerciales. (Pourquoi ce mouvement de deleveraging: cf. graphe ci dessous - graphe "américain", mais le phénomène est le même en Europe)

Deleveraging

Si la masse monétaire tend à se contracter, les sommes disponibles pour l'épargne vont également diminuer, alors que les besoins publics vont augmenter, et que ceux des entreprises vont augmenter aussi: pour se sortir d'une crise, il faut abaisser ses coûts de production et innover, ce qui suppose de pouvoir investir, et investir coûte de l'argent. Donc la compétition des différents emprunteurs pour une masse d'épargne en contraction va être très rude: le coût du refinancement des "mauvais" états va augmenter (il a déjà fortement commencé à le faire), et les états les moins fiables du point de vue des prêteurs, risquent la cessation de paiement pur et simple. Je sais, je me répète.

Naturellement, les hausses de taux induites se répercuteront à l'ensemble de l'économie : dès que la demande de crédit des entreprises redémarrera, les taux remonteront en flèche, et aucun "médiateur du crédit" n'y pourra quoi que ce soit.Voilà qui est de nature à fragiliser encore plus les entreprises et à réduire leur base taxable: encore un facteur de réduction des recettes fiscales, qui accroit le risque de banqueroutes !

La cessation de paiement de certains états serait une nouvelle catastrophe pour les banquiers et assureurs : ils sont les principaux détenteurs de titres de dette publique. De nouveaux risques de défaillances bancaires, avec obligation pour l'état d'appliquer les garanties imprudemment octroyées, augmenteraient les besoins de financement des états encore debout... Un cercle vicieux est en train de s'enclencher.

Restructurer l'état, une urgence vitale

Au risque de me répéter, il n'y a pas d'autre issue qu'une réduction drastique des dépenses totale de l'état pour nous sortir de ce mauvais pas.

D'autre part, comme je m' époumone à le répéter, les entreprises, ayant un moindre accès à un crédit, ont besoin de pouvoir compter sur des apports en capital: la fiscalité des revenus marginaux et  celle pesant sur la formation de capital dans l'entreprise doivent être allégées. Et pour pouvoir se payer cette réduction d'impôts sans accroître les déficits, pas de miracle: une baisse des dépenses est indispensable. Encore une autre raison qui montre qu'il faut que l'état réduise son train de vie.

Or, les états ont choisi de faire l'exact opposé : plans de relance massifs financés par la hausse des déficits ! Tout ce que les états parviendront à emprunter non seulement raréfiera l'épargne disponible pour les entreprises, mais réduira la capacité de consommation des ménages: il est totalement schizophrène de prétendre relancer tant l'investissement que la consommation par l'augmentation de la dépense publique et le creusement des déficits, et ce plus encore en période de fort "deleveraging".

La situation des finances publiques des états européens les plus dépensiers (et nous en faisons indiscutablement partie) va se dégrader dans de telles proportions que, sauf "bailout" général des états par la BCE selon un scénario inflationniste déjà évoqué ici, la restructuration des états est inévitable. Il faut prévoir des gels de recrutement et des réductions autoritaires de masse salariale dans les rangs de la fonction publique d'état ou territoriale dès 2009 peut-être, en 2010 sûrement, et les jérémiades syndicales n'y changeront rien. 

Au reste, cela est moral: les entreprises doivent, en période où la tendance est déflationniste, s'adapter très vite à un contexte extrêmement dur les obligeant à réduire leurs coûts d'opération à très grande vitesse pour survivre. Pourquoi les pouvoirs publics, qui représentent peu ou prou 50% de l'économie totale, devraient ils être épargnés par cet effort d'adaptation ? La sphère publique est certainement l'endroit où les plus forts gisements de productivité existent, et, tout comme il n'est possible de maintenir des salaires élevés dans le privé qu'en maintenant un apparareil productif efficient, il ne sera possible de maintenir des revenus élevés dans la fonction publique que si celle ci se modernise à très grands pas.

Tant la sphère privée que la sphère publique vont perdre des emplois. Il faut donc permettre à l'économie de recréer des emplois nouveaux en très grand nombre pour compenser ces pertes. Là encore, une fiscalité faible, ainsi qu'une offensive de grande envergure contre toutes les barrières législatives à la création d'activités nouvelles, sont indispensables. Cela suppose moins de dépenses et moins d'interventions publiques.

Par quel bout que l'on prenne le problème, seule une réduction sans précédent du niveau de vie de l'état, permettant d'abaisser le fardeau fiscal pesant sur la formation de capital, permettra de se sortir d'une crise sans équivalent récent, et de retrouver les chemins de la croissance et de l'emploi.

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