Flower a bien un but.
Pas n’importe lequel d’ailleurs : il ne s’agit pas moins que de sauver
le monde ! Mais cette quête s’inscrit dans une dimension
poétique qui donne au jeu une allure de fable écologique plutôt que
d’épopée. Il se dégage de ce récit par omission, uniquement porté par
le gameplay (un peu comme ces peintres japonais qui font émerger le
dessin en peignant le vide qui enveloppe la forme, plutôt que la forme
elle-même) une sensation de mystère qui flirte avec une dimension
spirituelle que très peu de jeux, à part peut-être ceux de Ueda, ont
réussi à créer jusqu’à présent. Dès les premiers instants, Flower
vous envoûte, grâce à son graphisme somptueux, grâce à sa musique
générative, grâce à son gameplay dépouillé à l’extrême, centré sur
l’émotion simple : voler dans les airs au fil du temps qui passe,
plonger, virevolter, créer sur votre passage le sentiment étrange de
réveiller la nature. Le lien quasi tactile qu’il parvient à créer entre
le joueur et la nature, représentée comme elle l’a rarement été dans un
jeu, est l’une des forces de Flower. Changeante, chatoyante ou aride, celle-ci semble réellement vivante.
Tout
cela uniquement en utilisant les capteurs de mouvement du sixaxis de la
PS3. Plus simple et plus immersif encore que l’utilisation de la
Wiimote dans Mario Kart Wii avec lequel Flower partage étonnamment une partie de son gameplay.
A travers son apparente simplicité, Flower
est un jeu manifeste. Il porte en lui une idée de ce que pourrait être
le jeu vidéo, dépouillé de ses sempiternels combattants, de ses univers
trop souvent lourdingues, des traditionnels accessoires et attributs
qu’il traine en bandoulière depuis sa genèse. L’idée que le jeu vidéo
peut, avec les moyens qui lui sont propres, faire naître en nous de
nouvelles formes d’émotion.
PS : si vous voulez comprendre la genèse de Flower, ne manquez pas l’interview passionnante de Jenova Chen, son créateur, sur le site Overgame. Olivier Séguret lui consacre également sa dernière chronique dans Libération.