Si le mouvement français anti-hadopi ne radicalise pas un petit peu sa démarche et son discours avant le 4 Mars , le grand blackout francophone préconisé par la quadrature du net ne sera qu’une backlink party tristement cynique.
Comme le nom du blog l’indique, je vais donner juste un avis, le mien, sur l’action préconisée par la quadrature du net, qui me semble être le mouvement français le plus légitime aujourd’hui pour concentrer la mobilisation et le débat autour de la loi Hadopi, et sa contestation.
Sur ça, aucun doute. Le site de la quadrature explique les enjeux de la loi, a une fonction didactique, fédératrice, et pleine d’énergie.
Je n’ai pas vu d’autre site aussi complet sur le sujet. Et il est important que sur ce genre d’action, un seul et même site centralise le discours, à l’instar du site Creative Freedom pour l’opération néo zélandaise à laquelle l’on fait référence lorsqu’on parle d’opération “black-out”.
Cependant j’ai beaucoup plus de doutes sur l’action préconisée et la structure même du dispositif tel qu’il est présenté aujourd’hui.
Guerrier du gif
J’ai eu la puce à l’oreille en voyant sur twitter quelques bloggeurs lever le poing, peintures de guerre au visage, crier au combat, et dont la manifestation du combat sur leur site se résume à un gif animé de 64/64px. Les cas les plus “extremes” que j’ai vu font une homepage temporaire noire avant d’entrer dans le site normal.
WTF ?
Comparer le blackout néozélandais à ça, c’est comparer Godzilla (bon, un petit Godzilla) à un gréviste japonais, qui continue à travailler en portant un brassard.
Plus grande puce à l’oreille, voire une bonne grosse tique au lobe, en voyant d’autres bloggeurs clamer fièrement “hé les gars, moi aussi je rejoins la lutte lol” en pointant vers la page wiki listant les soutiens de la quadrature. Si ça continue, dans deux jours nous aurons droit à un onglet sur Wikio pour l’occasion.
J’ai visité quelques uns des sites listés sur le wiki (comme quoi ça marche), aucun n’était vraiment blackouté, et tous les posts, archives, bref 99% du contenu était indemne.
Imaginez-vous une seule seconde un membre du cabinet ministériel paniqué taper au bureau de Christine Albanel en disant :
“- Madame, c’est une catastrophe, beaucoup de blogs ont mis un gif animé noir en sidebar, et sur twitter un avatar noir !
- OMFG. Annulons la loi.”
Parcontre, je pense que cela pourrait être beaucoup plus gênant, si 2000, 3000, 4000 blogs mettaient pour page unique un seul et même message démontant l’absurdité de la loi.
Je ne doute pas une seule seconde de la sincérité de la quadrature du net - je doute parcontre beaucoup de la nation BuzzoFrench, qui a un grand talent, celui de buzzmorandiniwikiofier tout ce qu’elle touche. Et d’une récupération mi-lol mi-backlink party de l’affaire.
S’il y a black out, il ya black out. Coupure de courant. Là les gars, vous n’éteignez qu’une seule loupiote dans un loft rempli d’halogènes.
Pour info, la page de blackout version Nouvelle Zélande :
Ca, c’est du black out.
Adopter cette gentille solution gif animé ou “dress code de la semaine” serait juste lancer une thématique rigolote, alors que les enjeux du minicombat lancé par la quadrature sont plus graves, et mériteraient une vraie action des internautes qui se sentent concernés, un truc sérieux, qui serait vraiment médiatique.
Cellule de crise Vs Bureau de presse
Si on se borne à comparer le “blackout fr” à l’action Néozélandaise, on voit dejà de grosses différences.
Je n’ai pas mon CAP de sémiologie, mais quand je visite le site néo zélandais, puis son collègue français, je vois plusieurs différences.
Premier truc assez symbolique, là ou la première question posée en sidebar du site NZ est “Que sont les copyrights ?” , la quadrature répond à la question “Qui sommes-nous”. Est-ce la question principale de savoir qui vous êtes ? Vous êtes nous, non ?
Sur Creative Freedom, le “about us” n’apparait qu’en fin de liste, humble comme un roseau.
Je ne pinaillerai pas sur tous les détails de mise en valeur sur le site, mais il y a d’autres points rageants - autre exemple, sur la version NZ, la réponse à “Comment agir” est “Rejoignez le black out”, sur le site français, la réponse à “Comment agir” est “Parlez autour de vous de la quadrature du net”.
Honnêtement,est-ce une déformation franco française, mais sur le site néo-zélandais on ne voit que le combat, sur le site français, on en voit que le combattant.
Mes préconisations (tout en continuant les actions pétition, emails aux députés etc conseillés par la quadrature) :
- statuer d’une journée pour faire un vrai black out : une extinction totale du contenu de vos blogs et sites au profit du message centralisé de la quadrature
- ne pas publier les liens des sites soutenant l’opération en amont du jour J. Qu’ils se chargent de le signaler à leur lectorat eux même. Le jour de l’action, faire un comptage de tous les sites/blogs participant, et en aval, dresser une liste.
- mobiliser les developpeurs php, facebook, pour développer des plugins destinés à toutes les plateformes (wordpress, dotclear, myspace, etc) pour faciliter techniquement le passage au “black” de toutes les pages d’un site en un clic de souris.
- faire une seule et même template de page “black-out” a l’instar de l’opération Néo zélandaise. Dès qu’une personnalisation est permise, il y a déjà création de contenu, parce que vous avez tous de bonnes idées. On voudra voir “la page black out” d’untel ou d’untel, et le contenant deviendra contenu, au détriment du message.
- le jour J, tout éteindre. Ne plus twitter, sauf uniquement le même message ou la même phrase. Et taguer #blackout. Ca fera un joli graphique à publier pour nos amis les journalistes.
Voilà, c’était mon avis. Maintenant je sais que coordonner une action c’est quelque chose de compliqué et chronophage, et commenter est plus facile qu’agir.
En tant que producteur de site, je ne participerais pas à l’action en tant que telle, mais si un black out day est fixé avec ces prérogatives, je le ferai avec plaisir.IMHO.