Je n'ai pas le souvenir d'avoir fait des goûters, à part ceux des anniversaires où j'étais invitée par mes camarades de classe. Ah, certains mercredis, la salle à manger de mes copines d’école, c'était the place to be.
Je suis devenue une accro au goûter lorsque j'avais 17 ans, une couleur de cheveux discutable doublée d'une permanente et des épaulettes.
Tous les matins, sur le même chemin de l'école, je passais devant une petite boutique appelée Chez Paulette. A chaque fois, une entêtante odeur de chocolat et de caramel s'y échappait, façon try to remember, when life was so tender, le café et le beau gosse en moins. Depuis la vitrine, je voyais toujours une jeune femme frêle et silencieuse qui servait ceux qui s'étaient laissé tenter.
Un matin, n'y tenant plus, je décidais d'entrer. Ce n'était plus du tout la jeune femme frêle et silencieuse des autres jours. Cette femme-là, c'était autre chose. C'était Paulette, la Paulette de la pancarte.
Au premier abord, Paulette faisait partie de ces femmes à qui on évite des chercher des poux, avec elle, on ne rigolait pas, son physique de matrone en imposait. Son mari, l'appelait affectueusement Boulette. Au début, j'étais choquée par tant d'audace d'une part et tant de stoïcisme d'autre part, à l'évocation de ce surnom. Mais Paulette s'en fichait.
Alors que je n'étais pas très à l'aise à la vue de cette femme autoritaire, presque tyrannique, perdue dans mes réflexions "je fais quoi ? je reste ou je m'en vais", soudain je m'entends dire "et à la gamine, qu'est ce que je lui sers ?". C'en était là de mes réflexions, je n'avais plus le choix.
Timidement et d'une voix que je croyais à peine audible, je lui réponds "un pain au chocolat, s'il vous plaît Madame". J'étais sûre qu'elle ne m'avait pas entendue.
Quelques secondes plus tard, Paulette me tend un petit carton rose pâle avec un ruban violet. Surprise par cet emballage unique pour un simple pain au chocolat, j'ouvre à peine la bouche pour demander que Paulette m'interromps et me dit "eh gamine, tu goûteras et tu m'en diras des nouvelles".
Et je suis sortie.
Plus tard, j'ai goûté et les mots de Paulette me sont revenus en tête, "tu m'en diras de nouvelles". Mais il n'y avait rien à dire, j'étais entrain de goûter au plus fabuleux pain au chocolat.
Le lendemain, en rentrant de l'école, je suis revenue, et encore les jours suivants, encore et encore, des années durant.
17 ans plus tard (là, tout le monde calcule), et telle l'adolescente que j'étais, à chaque fois que j'ai envie de retrouver le paradis emballé dans un merveilleux carton enrubanné aux teintes pastel, je vais toujours Chez Paulette.
Publié aussi sur Le goûter.