Appelé à venir jouer les pompiers face à son président pyromane, Claude Guéant, a estimé mercredi sur LCI que “Le président n’a pas menti bien évidemment, il a utilisé un raccourci”. L’Elysée cherche à se sortir de la mauvaise passe en expliquant que la Commission ne s’est certes pas encore réunie, mais qu’elle a émis un avis “off”, positif qui a été communiqué aux banques et, que ce serait la procédure normaledans les cas d’urgence. Un nouveau mensonge pour tenter de cacher le premier. Cette procédure dérogatoire a priori n’existe pas. Elle est en tout cas inconnue des intéressés. «Cela fait des années que je siège à cette Commission, et à ma connaissance une telle procédure n’a jamais été convoquée», a indiqué un membre de la Commission à Libération.
Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, a bien reçu mardi une lettre d’Olivier Fouquet, président de la Commission assurant qu’il n’y avait “pas d’inconvénient pénal” à la nomination du secrétaire général adjoint François Pérol à la tête du futur ensemble Caisse d’Epargne-Banques populaires. Mais, si M. Fouquet fait référence à la ” jurisprudence traditionnelle “, il ajoute quelques lignes plus bas qu’il s’agit ” d’une opinion personnelle qui n’engage pas la Commission “. Luc Châtel, porte-parole du gouvernement, comme son patron ne s’est pas attardé sur ce détail lorsqu’il a brandi au cours d’un point presse le courrier pour dénoncer les attaques de François Bayrou.
Médiapart (Laurent Mauduit) va beaucoup plus loin et avance que“selon de très bonnes sources, de très fortes pressions se sont donc exercées sur le président de cette Commission de déontologie, Olivier Fouquet, pour que la commission ne se réunisse pas en séance plénière, et qu’elle ne demande pas à entendre le candidat au pantouflage, ce qui est très fréquent dans des affaires beaucoup moins importantes. Selon les informations recueillies par Médiapart, le président de la Commission aurait donc accepté, face à l’insistance pressante de l’Elysée, de remettre une note, facilitant le transfert de François Pérol.”
La Commission ne s’est pas réunie et pour cause. Elle dispose d’un délai d’un mois pour délibérer. Mais surtout, son avis favorable est loin d’être acquis. Laurent Mauduit rappelle l’existence de la jurisprudence “Beaufret”. En 1995, le ministre des finances de l’époque, Edmond Alphandéry, souhaite se séparer pour des raisons d’affinités politiques d’un haut fonctionnaire du Trésor. Il pense avoir trouvé la solution en le nommant directeur financier au Crédit foncier. Un recours est déposé au motif que le Trésor, a supervisé dans le passé le Crédit foncier. Le conseil d’Etat tranche très clairement. Il casse la nomination alors que Jean-Pascal Beaufret ne s’était jamais personnellement occupé d’un dossier concernant le Crédit foncier, à l’inverse du cas Pérol.
Nicolas Sarkozy n’ignore pas ces éléments mais, il a décidé de passer en force, en tentant de jouer l’opinion contre les méandres de la fonction publique et de la législation.
Autre élément révélateur des méthodes de l’Elysée, alors que le gouvernement évoque la diligence des conseils d’administration des banques concernées à fusionner et à accueillir François Pérol, Médiapart rapporte que Bernard Comolet, président du directoire des Caisses d’épargne, aurait déclaré devant le conseil de la CNP qu’«on» lui avait fait injonction quelques instants auparavant de remettre sa démission pour le 26 février à 12 heures.
Reste donc à savoir si l’affaire en restera là ou si un impudent osera porter le pet devant la justice. En attendant, dans un entretien accordé à La Croix, Michel Bernard, ancien président de la commission de déontologie, déclare que si François Pérol a été chargé de surveiller ou de contrôler la Caisse d’Épargne et la Banque populaire, ou leur filiale commune, Natixis, (et c’est bien le cas) en principe, il ne pourrait pas aller travailler dans ces entreprises.