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Dora Maar aux ongles verts

Publié le 26 février 2009 par Elisabeth1

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Crédit photo : Mike Kamermans/FlickR

Il y avait le gant de Gilda. Il y a ceux de Dora Maar. Noirs et brodés de roses. Toute sa vie Picasso les garda précieusement dans une vitrine. Quand il avait rencontré Dora, en hiver 1935, elle les avait ôtés et avait posé sa main nue sur la table : elle jouait à lancer la lame aiguisée d’un canif entre ses doigts écartés. Plusieurs fois elle manqua son but et se blessa. C’était aux Deux Magots. Dora était en compagnie d’Eluard, qui les présenta. Lorsque Picasso lui adressa la parole, Dora Maar répondit en espagnol. Ainsi commença cette histoire d’amour que nous conta une exposition au Musée Picasso, des chefs-d’oeuvre et des documents multiples, tels des clichés photographiques jamais montrés, qui éclairent les années 1935 à 1945, sans doute les plus intenses de la création de Picasso.

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Dora Maar avait des cheveux d’un noir de jais. Picasso n’était-il pas le Minotaure, et Dora Maar sa proie, celle qu’il transforme en muse, en chimère, en sphynge, en nymphe ou en harpie ? Mais Dora Maar est aussi celle qui, selon Eluard, ” a toutes les images dans son jeu “. Pour Picasso elle incarne l’idéal féminin, selon Victoria Combalia : ” sa taille de guêpe, ses hanches larges, ses fesses rebondies et ses jambes bien formées ”. Amie des surréalistes, qui s’intéressent à son oeuvre de photographe, elle a signé le 10 février 1934 avec Breton et Eluard ” l’Appel à la lutte ” du Comité de Vigilance des Intellectuels antifascistes. Loin d’être une amante passive, elle va entraîner Picasso sur des voies nouvelles. Par-delà leur passion, un dialogue d’artistes se noue

entre eux, dont témoignent des gravures de Picasso qui font écho aux photomontages de Dora Maar. Elle initie Picasso à la photographie et ils réalisent à quatre mains des  “ photogravures ” qui constituent l’une des révélations de l’exposition.

La vente à Paris de la succession Dora Markovitch, dite Dora Maar, en 1998 a suscité un vif engouement de la part des amateurs et pour cause, le musée personnel de celle-ci recelait de nombreux souvenirs et de trésors réalisés par le maître de la peinture moderne.
Ce sont des peintures et des dessins ayant toujours appartenu à Dora Maar et qu’elle ne voulut jamais vendre, qui auront été proposés aux enchères à la Maison de la Chimie comme cette toile “Femme qui Pleure” et cette “Dora Maar sur la plage” qui respectivement étaient estimées au delà de 20 et 10 millions de francs.
A la Sammlung Berggruen c’est une Dora dégantée,  aux yeux grands ouverts, signe de grande intelligence d’après

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Heinz Berggruen, qui l’a rencontrée, grâce aux liens qu’il entretenait avec Picasso. C’est une des premières peinture de Dora par Picasso, (1936) assise dans un fauteuil, le haut du corps et l’ovale de la tête comme suspendu en gravitation sont inclinés vers le bord gauche, atténuant sa position hiératique, la tête légèrement de profil, coiffée à l’espagnol, accentue les traits classiques de son visage, tandis que les doigts écartés aux ongles vernis en vert soulignent l’élégance de cette dame capricieuse.

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Quatre an plus tard, après le début de la guerre et l’avancée des troupes allemandes, Picasso s’était réfugié à Royan, où il vécu et travailla avec Dora Maar dans une toute petite chambre d’hôtel. En 1939 il peignit le ” pull-over jaune ” un autre portrait de Dora, dans lequel les aspects individuels de sa personnalité lui importaient moins que de donner une image symbolique de l’époque. Ici Dora est assise dans un fauteuil, en plein centre de l’image. La tête stylisée au double visage, à la fois vu de face et de profil selon la manière cubiste quasiment classique. Le corps en revanche, sous l’action des rapports déformant de l’époque est serré dans un ” pull-over jaune ” qui ressemble davantage à une camisole en cotte de mailles. Les mains élégantes et les ongles verts du tableau précédent deviennent ici des pattes griffues et animales.

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