25 février 1707/Naissance de Carlo Goldoni

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


   Le 25 février 1707 naît à Venise, dans une famille formée au goût du théâtre, Carlo Goldoni, fils de Margherita Salvioni et de Giulio Goldoni, médecin.


   Très tôt décidé à se détourner de la carrière médicale, le jeune Carlo Goldoni commence à griffonner ses premières scènes de comédies tout en suivant un stage de clerc chez son oncle, avocat à Venise. Ses études de juriste, mouvementées, le conduisent, à compter du 20 mai 1732, à exercer aussi la profession d’avocat, toujours dans la Cité des Doges.
   Poursuivant son rêve de dramaturge, Goldoni est engagé à Venise comme auteur de théâtre par Michele Grimani, noble vénitien et propriétaire du théâtre San Samuele. De 1737 à 1741, Goldoni se voit confier la direction du théâtre d’opéra San Giovanni Crisostomo, également propriété de Michele Grimani. Au cours des différentes saisons théâtrales de carnaval, Carlo Goldoni compose de nombreuses comédies, partie rédigées, partie « à canevas » ― Momolo cortesan, Momolo sur la Brenta, La Banqueroute (La Bancarotta).
   La Brave Femme (La donna di garbo), créée en 1743, est sa première comédie entièrement rédigée. En 1745, après sa première rencontre avec Medebach — futur directeur du théâtre Sant’Angelo —, Goldoni écrit Le Valet de deux maîtres. Engagé par Medebach en avril 1748, Carlo Goldoni abandonne définitivement le barreau. Au cours de la saison de carnaval 1750-1751, Goldoni donne les seize comédies promises au Sant’Angelo. Parmi ces comédies figurent Le Théâtre comique, Le Menteur, La Feinte malade, Le Café.
   De cette période de transition, caractérisée par l’abandon des masques et la rédaction des pièces, date le détachement du dramaturge de la Commedia dell’Arte dont était imprégnée la toute première période d’initiation.


LE CAFÉ

   Le Café — La bottega del caffè — est d’abord rédigée en dialecte vénitien. Reprise en italien, la pièce est jouée en 1750 à Mantoue. Goldoni y mêle les masques dont il se sépare en 1753. Inspirée au dramaturge par l’importance que prend à Venise la dégustation du séduisant breuvage, Le Café est une comédie en trois actes dont « le décor unique représente une placette de Venise avec trois boutiques : un café au centre, un barbier à droite et une maison de jeu à gauche. À l’acte I scène I, l’action se déroule au lever du jour devant le café, pendant la période du Carnaval. Le patron, Ridolfo, s’adresse à son employé Trappola et à ses autres garçons. Rideau… »

RIDOLFO : Courage, jeunes-gens, comportez-vous bien ; soyez lestes et prompts à servir les clients, poliment et comme il faut ; parce que bien souvent la réputation d’une boutique dépend de la bonne tenue des serveurs.
TRAPPOLA : Mon cher patron, pour vous dire la vérité, cette façon de se lever de bonne heure n’est nullement faite pour mon tempérament.
RIDOLFO : Et pourtant il faut se lever tôt. Il faut servir tout le monde. C’est de bonne heure que viennent ceux qui doivent partir en voyage, les travailleurs, les gondoliers, les mariniers, tous les gens qui se lèvent de bon matin.
TRAPPOLA : C’est vraiment une chose à crever de rire de voir même les portefaix venir boire leur café.
RIDOLFO : Tout le monde veut faire ce que les autres font. Autrefois, l’eau de vie était en vogue, maintenant, c’est la mode du café.
TRAPPOLA : Et cette dame chez qui je porte le café tous les matins, presque chaque fois elle me prie de lui acheter pour quatre sous de bois, et pourtant elle veut boire son café.
RIDOLFO : La gourmandise est un vice qui ne passe jamais et c’est même un vice qui grandit à mesure que l’on vieillit.
TRAPPOLA : On ne voit personne venir au café ; on pouvait encore dormir une autre petite heure.
RIDOLFO : Les gens ne vont pas tarder ; et puis il n’est pas si tôt que ça. Vous ne voyez pas ? Le barbier a ouvert : il est dans sa boutique à peigner ses perruques ? Tiens : la maison de jeu aussi est ouverte.
TRAPPOLA : Oh ! ce tripot, il est ouvert depuis un bout de temps. Ils ont travaillé toute la nuit.
RIDOLFO : Allons bon ! Ça a dû rapporter gros à maître Pandolfo.

Carlo Goldoni, Le Café, Éditions Gallimard , Collection folio bilingue, 2004. Traduction de l’italien de Michel Arnaud, révisée par Gérard Luciani, in Le Goût du Café, Mercure de France, 2009, pp. 32-33. Textes choisis et présentés par Jacques Barozzi.



Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) 1er avril 1924/Première à Vienne du Serviteur de deux maîtres mis en scène par Max Reinhardt.



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