Depuis des mois, cet homme de très mauvaise foi baptisé PV hante mon blog en laissant des commentaires de plus ou moins bon aloi. Je lui ai récemment proposé de lui laisser, une fois par mois, les colonnes d'A REBOURS pour exprimer son point de vue. Bien entendu, un point de vue qui n'engage que lui !!!
Revenu de trois semaines en Guadeloupe, chez des amis activistes (mon hôte est le No 2 d’un syndicat national, membre du "Liyannaj"), je ne peux manquer de livrer là quelques réflexions et informations.
A l’origine de la mobilisation, une volonté de lutter contre les prix pratiqués en Guadeloupe par quelques indélicats en situation de monopole et une colère suscitée par la déconsidération dont les antillais se sentent victimes, vis-à-vis de la métropole et du gouvernement.
Préparé un peu à l’avance, le mouvement se développe en janvier et paralyse peu à peu l’archipel guadeloupéen : fermetures des stations services, durcissement du mouvement dans l’éducation et l’hôtellerie, manifestations très importantes organisées…
En regard, les négociations se sont déroulées d’une manière très intéressante : l’exigence de transparence formulée par le LKP m’a permis de suivre en direct les débats… en effet, l’évènement était historique : imaginez patrons et Préfet obligés de négocier avec un tel collectif, devant les caméras de TV Guadeloupe et Canal 10… Il s’est joué là quelque chose de très fort.
Les revendications du LKP sont nombreuses (voir ici) et toutes ne sont pas des plus pertinentes : si les augmentations de salaire demandées, le souhait de contrôle des pratiques commerciales sont tout à fait justifiées, l’exigence d’un institut culturel Papa Yaya est moins évidente, tout comme la demande de priorité d’embauche aux guadeloupéens sans qu’il soit question de compétences équivalentes… Et pourquoi pas la France aux français ? Ce type de chose ne souffre pas l’implicite !
Cependant, le cœur économique et social des revendications est à mon sens très fondé et les centrales syndicales nationales et européennes feraient bien de prendre modèle sur la capacité de mobilisation de nos compatriotes de Guadeloupe !
Face à ces messages, clairs et radicalement exprimés, qu’ont été les réactions des interlocuteurs ? Un préfet qui quitte la table des négociations, un ministre qui reste silencieux une dizaine de jour, un Président qui ne se fend pas même d’un communiqué alors qu’il fut toujours prompt à se rendre "sur le terrain" à la moindre broutille, des patrons qui déclarent, malgré leurs bénéfices, ne rien pouvoir faire… Il était inévitable que le mouvement se durcisse – il s’est donc durci !
On sait ce qui est advenu par la suite : des moblots, des barrages, des heurts, un mort.
On sait aussi ce qui remonte dans les discours : le racisme, l’esclavage, l’exclusion, le colonialisme… Je ne ferai pas de grand discours lyrique sur ces questions.
Il est au cœur du LKP une mouvance raciste, qui tient le blanc pour un "pwofitan" de nature, pour un esclavagiste de fait, pour un colonialiste dans l’âme – mouvance qui roule pour des groupuscules indépendantistes qui, eux aussi, se font les "pwofitans" d’un mouvement pourtant d’une toute autre nature. Rappelons que ces indépendantistes touchent une très faible part de la population : 6% à peu près… beaucoup moins que le Front National chez nous !
Il ne faut pas focaliser là-dessus : ce discours existe mais il n’est pas représentatif. J’ai vu des blancs parmi les personnes mobilisées et j’ai vu des noirs parmi les patrons… Et on n’oubliera pas non plus que les guadeloupéens sont métissés, comptent des blancs parmi leurs ascendants… que la vie commune n’est pas un problème pour l’immense majorité des habitants de ce département dont on oublie (en métropole mais pas là-bas) qu’il fut français avant d’autres (la Savoie).
Quelles perspectives, à présent ? Le LKP n’a pas d’autre choix que d’obtenir ce qu’il réclame, sous peine d’imploser, de voir revenir ses membres aux querelles qui les opposaient, de libérer une violence qui risquerait d’être incontrôlable (sur le mode : "on n’obtient rien par la négociation") et de décrédibiliser les grands syndicats et les politiques locaux.
Le MEDEF va essayer de soutirer à l’Etat le maximum d’argent pour ne pas avoir à participer à l’effort de réajustement.
Quant au gouvernement, difficile de voir ce qu’il va faire : dans le meilleur des cas, taper du poing sur la table et obliger les entreprises à jouer le jeu, dans le pire des cas, laisser lentement la pression diminuer et retourner à son oubli des Antilles…
Espérons que :
- les monopoles disparaissent et que la population puisse accéder aux biens de consommation sans devoir se ruiner pour manger normalement ;
- les pratiques de la SARA changent pour que les guadeloupéens cessent de se faire voler quant aux prix des carburants ;
- que les entreprises cessent de faire venir du personnel de métropole ou d’ailleurs et embauchent "local" quand cela est possible : une pratique amusante des groupes hôteliers est par exemple d’exiger un anglais parlé/écrit courant pour les femmes de ménages… et de faire venir leurs propres recrues plutôt que de donner du travail à la population non qualifiée :
- la marijuana soit un jour légalisée… ;-)) je plaisante, je plaisante… !
- l’on entende encore longtemps les "kas" retentir !
Pour finir, mes impressions sur place, pendant trois semaines de grève : nous avons eu la chance d’être reçu chez des amis… et d’éviter la situation de touristes coincés dans leurs hôtels, sans voiture ni possibilité de manger facilement… nous avons pu aller à la plage, en manif, faire des courses et même aller plusieurs fois au restaurant, le tout en rencontrant des personnes mobilisées sur place, membres du "Likannaj" (certaines à haut niveau) et ainsi, nous avons pu faire un voyage agréable, intelligent et militant… le rêve, non ?
La gwadloup sé tan nou, la gwadloup a pa ta yo
yo péké fè sa yo vlé a dan péyi an nou