Article : L'empire des steppes

Publié le 25 février 2009 par Julien Peltier

L’empire des steppes
Fils des âges farouches

Ouvrage d’une exhaustivité remarquable, L’empire des steppes constitue l’un des fondements incontournables de tout travail portant sur l’aventure des nomades turco-mongols. Si l’immense œuvre originale de René Grousset, dont la présente réédition chez Payot est datée de 1965, remonte à 1938, elle n’a pour ainsi dire rien perdu de son actualité. Des peuples scytho-sarmates originels à la chute des derniers Gengiskhanides, l’auteur parcourt, force détail à l’appui, trois millénaires d’histoire de la steppe asiatique.


René Grousset affiche un impressionnant palmarès. Successivement professeur à l’École des Langues Orientales puis en Sciences Politiques, il s’illustre également en qualité de conservateur des musées du Louvre et Guimet, avant de prendre la direction du musée Cernuschi en 1933. Élu en 1946 à l’Académie Française, « l’immortel » siège en outre au conseil des musées nationaux. Ses recherches consacrées à l’histoire des croisades ainsi qu’aux civilisations d’Extrême-Orient continuent de figurer de nos jours parmi les travaux de référence. Dans son Empire des steppes, l’auteur balaye l’éternelle chevauchée des cavaliers nomades issus des prairies de Haute Asie, depuis les lointaines origines cimériennes, mille ans avant notre ère, jusqu’à l’anachronique royaume des Mongols Djoungar, vaincus par les Mandchous, maîtres de la Chine impériale, et les fusils de la Russie Tsariste au XVIII° siècle. Les grands destins singuliers d’Attila, Gengis Khan et Tamerlan – que Grousset ne ménage pas – occupent tout naturellement une place de choix. Mais l’essai, et c’est l’une de ses qualités essentielles, lève le voile sur ces oubliés de l’histoire que sont les Ouigours, les K’i-tan ou les T’ou-kiue, qui ouvrent pourtant la voie aux grands conquérants en entamant l’entreprise fédératrice des nations de la steppe.


Cerf de Kostromskaya (Kouban). Art scythe, V° siècle avant J.C. environ - D.R.
Au gré des invasions, des migrations et des coups de main, l’auteur trace son sillon et parvient à faire la lumière, non sans égarer parfois le lecteur - dont Grousset fait appel à la plus grande exigence - pour pénétrer l’extraordinaire complexité des interminables successions dynastiques. Son érudition hors pair autorise de passionnantes digressions en direction de l’art des steppes, illustrées par quelques reproductions dans l’addendum. Enfin, et c’est à n’en pas douter son plus grand mérite, L’empire des steppes, théorise et décrit, peut-être pour la première fois, le cycle dans lequel s’inscrit l’histoire des indomptables cavaliers asiatiques. La définition des rapports conflictuels entre le farouche nomadisme et les peuples sédentaires compte au nombre des plus belles pages de l’essai, comme en témoignent ces lignes : « Il y a eu, au cours de l’histoire de l’Asie deux sortes de dominations : celle des vieilles civilisations sédentaires de la périphérie – Chine, Inde, Iran, etc., - qui ont gagné, malgré tout, peu à peu sur les « barbaries » par leur action assimilatrice, à la longue plus forte que les armes. Et au centre du continent, la force sauvage des nomades qui s’imposait parce qu’ils avaient faim et que le loup famélique finit toujours par l’emporter de quelque manière, en quelque moment sur le bétail domestiqué. »
Ujisato


L’empire des steppes, Attila, Gengis Khan, Tamerlan
René Grousset
Bibliothèque historique Payot, 1965

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Article mis en ligne le 25/02/2009