La fuite du roi en juin 1791 est sans doute l'épisode qui a fait basculer la vie de la famille royale vers sa fin dramatique. Le téléfilm d'hier soir sur France 2 met l'accent sur ces journées terribles qui ont marqué la plupart d'entre nous comme si nous les avions vécu. Il faut dire que c'est un moment de notre histoire qui nous ait répété régulièrement. Bon, je ne vais pas revenir sur toutes ces erreurs qui se sont enchaînées. Mais à la fin du film, je me suis posé une question toute simple : à quoi a servi cette révolution ?
Le postulat du départ était de libérer le peuple des contraintes et du système hiérarchique instauré dans la population depuis des siècles. Il fallait aussi donner à manger à tous. Le peuple, guidé par des personnes dont les ambitions se situaient à un niveau plus haut, en avait marre. Marre de travailler pour quelques miettes, marre de servir une noblesse qui avait tout et eux rien, marre de cette différence sociale pesante. Alors, on se débarrasse des privilèges, on coupe des milliers de têtes et on s'approprie ce que l'on pense nous revenir de droit.
Aujourd'hui, quel est le bilan, après ces 220 années. Il semblerait que la France ait du mal à installer sa République. Nous en sommes déjà à la Vème et le moins que l'on puisse dire, c'est que les doléances du départ, de ce tiers état malmené, ont du mal à être respectées. Les Présidents de la Vème République sont souvent comparés à des monarques. Dans ce palais de l'Elysées, un roi président fait la pluie et le beau temps. Il nomme et révoque au gré de ses humeurs, se déplace avec toute une cour et s'adresse à la population avec de belles citations. Quand il pénètre dans une salle, c'est tout juste si les membres de l'assemblée ne font pas la révérence.
Côté privilèges, c'est le summum. Evidemment, il n'y a plus de noblesse, les titres n'ont plus aucune valeur et l'Eglise n'a plus son mot à dire dans la politique. Mais tout s'est déplacé. Les industriels, les hommes d'affaire, les célébrités du spectacle profitent aujourd'hui largement des commodités d'hier et des largesses des puissants. On profite du bateau de l'un, on participe à un voyage officiel, on part en vacances ensemble, on se protège, on joue les mécènes, etc. La nuit du 4 août est bien loin. Les privilèges aujourd'hui sont financiers et politiques. La crise a fait ressortir tout ça à la surface et ça fait mal.
Mais à qui pourrait-on en vouloir ? Finalement, un système s'est mis en place progressivement et a profité à certains et pas à d'autres. Ce n'est même pas une question de monarchie ou de république mais de comportement humain. Qui ne serait pas encensé par une position sociale élevée ? Qui ne profiterait pas d'un pouvoir placé entre ses mains ? La différence réside peut-être dans le fait que nos roitelets d'aujourd'hui se comportent plus comme des "chefaillons". Les vrais rois, dont certains ont marqué leur époque, faisaient au moins la différence entre le brave peuple du bas qui aimait son chef et les membres d'une cour (et même de la famille) qui ne manquaient pas une occasion pour comploter et trahir. C'est ce qu'avait compris le quatorzième Louis en instaurant ce système de privilège d'assister à un lever ou à un dîner pour occuper les esprits, et ce qui a perdu le seizième Louis qui ne maîtrisait plus une noblesse libre de tout mouvement et de tout contrôle.
Non, je ne fais pas l'apologie de la royauté, je constate simplement que n'importe qui ne peut pas être un vrai chef d'Etat. Il y a un code, une certaine éthique et une distinction. Je sais bien qu'avec des "si" on mettrait Paris en bouteille mais si nous vivions sous une monarchie constitutionnelle, la situation serait-elle meilleure ? Toutes les régions, les départements et les territoires en métropole ou en outre-mer seraient-ils traités à égalité ? Parmi nos voisins européens, il existe des systèmes monarchiques constitutionnels avec un roi ou une reine mais qui gouverne réellement ?
On peut refaire le monde indéfiniment mais on ne peut aller contre la nature humaine. Une nature humaine complexe qui se comporte de mille façons et ce n'est pas une charte, une déclaration, une Constitution ou un protocole qui la mettra dans le droit chemin mais bien une prise de conscience de ses responsabilités.