I ) En instaurant une obligation de résultat, Sarkozy a lui-même construit les raisons de son désaveu.
D’abord une contradiction apparente. Seuls 14 % des Français estiment que la politique de Nicolas Sarkozy est responsable de la crise selon l’institut ViaVoice, et pourtant sa cote de popularité s’est écroulée de 4 à 9 points selon les différents instituts de sondage en ce début de mois de février 2009.
Seconde contradiction apparente : plus le Président s’exprime plus les Français sont confortés dans l’idée qu’il n’a pas les moyens d’affronter la crise. Interrogés par Opinion Way juste avant l’intervention présidentielle du 5 février, les Français étaient 58% à considérer que le Président n’avait pas les moyens d’agir étant donné l’ampleur de la crise. Interrogés immédiatement à l’issue de l’intervention, il sont 63% à partager cet avis.
Troisième contradiction apparente : les mesures plus sociales annoncées du 18 février sont globalement appréciées, mais semblent virtuelles aux yeux des Français. Interrogés par Opinion Way sur les mesures plus sociales, les français approuvent massivement. Même les électeurs de Ségolène Royal. 78% d’entre eux sont ainsi favorables à la prime de 150 euros pour les familles modestes. Autre exemple, 74% d’entre eux souhaitent la mise en place de l’augmentation de la prime pour les familles modestes. Or selon le même sondage Opinion Way, 63% des Français estiment que le sommet social n’a pas permis d’aboutir à des propositions concrètes face à la crise.
Le Président est responsable de ce scepticisme ambiant : avoir lui-même suggéré aux Français qu’il ne devait pas être jugé sur ses intentions, mais sur les résultats.
Le Président est jugé sur une promesse simple : les français gagnent-ils plus ? Les résultats sont loin d’être au rendez-vous. 16 mois après son élection, la question du pouvoir d’achat constitue le second motif d’insatisfaction des Français. Pire encore, alors qu’elle constituait le socle du programme électoral du candidat Sarkozy, la question du travail s’impose comme première préoccupation des Français. Dès lors c’est toute la mécanique « du travailler plus pour gagner plus » qui se grippe. Et la colère semble aujourd’hui poindre.
II Face à la crise, les Français radicalisent leur point de vue
La tentation du chaos, et la peur qui pétrifie : ces deux postures, antinomiques, coexistent aujourd’hui à la faveur de la crise.
une polarisation gauche droite
Toutes les études le montrent : le jugement porté sur la crise et l’exécutif est plus fortement influencé par les préférences partisanes qu’au début du quinquennat. Les Français semblent retrouver dans une structuration plus frontale une grille de lecture face à une crise par ailleurs complexe. Seul problème, la gauche actuelle n’apparait pas crédible. 61% des français (selon un sondage TNS SOFRES réalisé fin janvier 2009) estiment que le parti socialiste ne ferait ni mieux ni moins bien que le gouvernement actuel
L’attrait pour l’ extrémisme… la révolution en moins
Dans ces conditions, l’extrême gauche bénéficie d’un boulevard. Olivier Besancenot est aujourd’hui considéré aujourd’hui comme le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy selon Opinion Way, 10 points devant Martine Aubry. Mais cet attrait, déjà été évoqué dans Délits D’Opinion, pour le facteur n’entraine pas un regain des thèses révolutionnaires. Interrogés par TNS SOFRES, en janvier 2009, seuls 10% des français se déclarent favorable à une transformation radicale de la société, soit deux points de moins qu’en 2005. Comme si l’éventualité grandissante d’une crise sociale calmait les ardeurs.
Une crise qui pétrifie
Car la menace semble crédible. Deux tiers des Français jugent probable l’émergence d’un conflit dur. Face à une menace qui se précise, les sondés semblent prendre conscience des risques et temporisent leur jugement. Interrogés par Opinion Way sur leur souhait de voir des mouvements sociaux actuels se transformer en mouvement de grande ampleur et une grève comparable à celle de 1995, les français répondent par l’affirmative à 36%., mais en retrait de 10 points par rapport à la précédente vague.
Cette crispation d’une partie de la population Française entraine une méfiance accrue vis-à vis du changement. Alors qu’en 2007, dans un contexte d’élection présidentielle, les français déclaraient à 41% vouloir changer la France en profondeur, ils ne sont plus que 26% à partager cette opinion, selon un sondage TNS SOFRES. Comme repliée sur elle-même, cette France attend sans bouger que l’orage passe. Et vit le changement comme une menace supplémentaire pour son quotidien.
III Quatre défis pour faire retomber la pression
Convertir des mesures qui paraissent encore virtuelles. Nicolas Sarkozy a proposé mercredi 18 février des mesures sonnantes et trébuchantes dont une prime de 500 euros pour les chômeurs. Mais face au tourbillon des chiffres vertigineux qui s’amoncellent sur leur tête, les Français attendent de voir, forcément sceptiques, si l’argent ira vraiment dans leurs poches.
Faire davantage monter au créneau les ministres, car, si la volonté de ne pas se dérober devant les difficultés est louable, le Président est aujourd’hui le maillon faible de l’exécutif, alors que des Ministres, comme Jean-Louis Borloo, disposent encore d’un peu de fraicheur.
Ne pas tomber dans le rapport de force avec des syndicats renforcés par la crise.
Les Français expriment en grande majorité (62% selon BVA) de la sympathie pour les mouvements de grève à venir. Principale raison de ce soutien, l’impression que ces mouvements portent par procuration leur mécontentement et inquiétudes face à la crise. Des syndicats qui sont en revanche incapable d’incarner une autre politique pour une majorité de Français. Selon un sondage TNS Sofres, 49 % des sondé jugent que ces mouvements expriment un ras-le-bol compréhensible, mais ne proposent rien ; Malgré cette posture fataliste, les Français se montrent chatouilleux, vivant toute vexation et manque de considération perçue envers les syndicats comme une négation de leur propres revendications.
Réinventer un programme sans se renier
Roosevelt a lancé « son New Deal », La France d’après 45 a eu son « Plan Marshall ». L’incapacité à qualifier les mesures de Sarkozy constitue peut-être le cœur du problème. Il souligne, au-delà d’une question de marketing, l’absence de ligne claire, structurante et porteuse d’espoir. A l’inverse, le Président, au cours de son intervention du 18 février est resté cramponné à la valeur travail, et aux réformes qu’il semble défendre par dogmatisme sans les relier à la crise. Si les raisons de cette stratégie sont entendues, rassurer son dernier pré carré de soutiens qui vivraient potentiellement tout changement de stratégie présidentielle comme un reniement, le Président risque d’aboutir à un blocage. Ainsi, selon un sondage réalisé fin janvier par TNS SOFRES, la grande majorité des français (55%) souhaitent que les réformes, qu’ils ne contestent pas, se fassent en tenant davantage compte des revendications ambiantes. Reste maintenant à refaire l’emballage pour que les réformes à venir résonnent comme une stratégie de sortie de crise.