Gaston Thorn ? Les quelques problèmes qui a eu, dans les affaires après sa retraite politique (Le Luxembourg et le blanchiment, vaste sujet…) n’enlèvent rien aux qualités personnelles, intellectuelles et politiques de ce résistant mis en camp (de correction) par l’occupant nazi, de cet avocat formé dans les universités de Montpellier, de Lausanne et de Paris et de ce responsable politique élu et réélu constamment député depuis 1959. Le Luxembourg porte son deuil. L’Europe aussi.
Président de la Commission entre 1981 et 1985, Gaston Thorn était un Européen passionné, un de ces euro-idéalistes par réalisme qui ont su par leurs actions faire avancer cette « construction » qui se fait effectivement « pas à pas « comme le prévoyait Schuman.
Il a présidé la Commission pendant une époque difficile, quand la France de Mitterrand, notamment, n’avait pas encore opéré le « tournant décisif » de 83. Il a su, avec doigté diplomatique et persévérance politique, renforcer la confiance dans un « projet européen » trop contrarié engendrait plus d’eurosclérose et d’europessime que d’euro-dynamisme. C’est d’aileurs en cette période que l’expression « euroscepticisme » a été lancée (par Danièle Brison) dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Il a su tenir bon, maintenir le cap, sauver le navire. Et préparer, notamment, les bases de ce qui créera plus tard le marché unique où les biens, capitaux, services et peuples de l'Union Européenne circuleront librement.
L’hommage que lui rend Barroso n’est pas que de circonstance : « Gaston Thorn était un grand Européen, conscient que la coopération européenne était le seule voie non seulement pour affronter les défis de son époque comme ceux du XXIème siècle. Son travail comme président de la Commission a consolidé le bases du projet européen et dégagé de nouvelles voies d'intégration ». Des voies que saura améliorer, creuser, diversifier Jacques Delors.
C’est pendant son mandat, que l'UE s'est élargie à la Grèce (1981) pour compter alors 10 membres. L'adhésion de la Grèce, ainsi que la préparation de l'élargissement vers l'Espagne et le Portugal (1986), allaient redonner une nouvelle mission à l'Union : celle de réintégrer dans la famille démocratique d'anciennes dictatures militaires et de renforcer vers le Sud l'Europe du droit et de la liberté.
C’est sous son mandat aussi qu’a été crée suite à une initiative du Parlement européen lancée par Pierre Pflimlin et Michel Poniatovski Gaston Thorn le premier Programme-Cadre pour la Recherche et le Développent (1984) reconnaissant par là la nécessité de mettre des ressources en commun pour développer une Europe de la connaissance et de l'innovation.
Avant d'être Président de la Commission, Thorn a été Premier Ministre du Luxembourg entre 1974 et 1979. Il a été également un membre très actif du Parlement Européen de 1959 à 1969. Cet ex-ministre des affaires étrangères (et de l’économie) du Luxembourg présida également l’Assemblée générale des Nations Unies. Une carrière bien remplie. Plus qu'un homme politique:un homme d'Etat qui avec les journalistes savait entrenir des relations de confiance sans rechercher des complicités. Il fut d'ailleurs patron de RTL. Bon repos, Gaston!
Daniel RIOT