C’est vrai que j’ai les dents qui pourrissent
Et mon foie si vous saviez, c’est pas la joie
Mais paraît-il que la cirrhose est la chose du monde la mieux partagée
Alors vous devriez vous en faire une certaine idée
Malgré tout
C’est vrai que j’ai les pieds qui sur moi s’hissent
Et d’aller de l’avant, qu’est-ce à dire, faire confiance à mes talons ?
Mais paraît-il qu’on a les yeux biaiseux dans le terreau du vice
Alors à reculons il faudrait sentir la boue
Malgré tout
C’est vrai que j’ai les tripes qui faiblissent
Et dans un accident de vesse, je m’essuierais plutôt sur ta veste
Mais paraît-il qu’au final, ces odeurs Cajoline descendent vers les cuisses
Alors, quoi-d’neuf-docteur, étonnez-nous
Malgré tout
C’est vrai que, qu’est-ce que j’étais en train de dire… ?
Ah oui, c’est vrai que j’ai les mots qui trahissent, que j’aurais l’air d’un con avec «c’est vrai que» bariolé sur une pancarte
Et on se demanderait bien ce que ça peut foutre là dans un thème sur l’enfance
Mais paraît-il qu’il y a un secret, un secret oublié dans l’enfance
Alors quelqu’un se serait approché, nous aurait dit ce secret et après l’avoir compris, on l’aurait oublié, ‘malgré tout’, si vous voulez, pour la rime.
La plupart des gens ont même oublié qu’il y avait un secret à ne pas oublier ! Vous vous en foutez, vraisemblablement on ne manifestera pas pour les secrets de l’enfance.
Et bien moi j’ai retrouvé ce secret par hasard,
( pompeux) Attention poésie : un jour où je marchais sans soleil-orteil, j’ai glissé…
Enfin quoi ! je l’ai écrit sur un joli papier recyclé avec de l’encre naturelle. Je l’ai mis dans une belle bouteille en verre et au moment d’envoyer mon message par la mer à l’humanité, je me suis dit, mais où est ta conscience bordel ? Et la Nature ? quand je pense à la multitude de connards qui a voulu se sauver en se disant qu’il sauvait aussi les autres. L’impératif collectif pour une bande de naufragés volontaires, pour un mot dans l’océan, pour ces poubelles trieuses qui ne lisent pas le vers. Enfin quoi !
Amoureux du geste, j’ai ouvert la fenêtre en me disant que mon secret valait vraiment le coup, voire même plus que celui des autres. On appelle ça la perméabilité, les autoroutes de la stupidité, etc. J’ai lancé la bouteille du 4ème et j’entendais les vagues, mais c’était une manif contre le CPE.
( pompeux) Attention choix de l’auteur : la bouteille a failli se briser sur le crâne d’une femme handicapée donnant le sein à son enfant tandis que le père, d’un regard de veau ensiesté, poussait lentement l’inexorable charrette familiale.
Enfin quoi ! on est pas des monstres ! la bouteille, frôlant l’occiput déserté, s’en est allé rebondir sur le repose-pied de la chariote voisine. Là, ô miracle, le banbillard assoiffé l’a saisi au vol ; d’un geste sûr il mord et crache le bouchon et… se renverse en arrière pour avaler mon secret. Bien mâchonné, il le rote dans un pantagruélique hamdulah. C’était un petit garçon très bien élevé.
Et pis voilà, que dire de plus, sinon que, c’est un fait, ma conscience éco-logique n’est pas si difficile à vivre dans son imperfection. Je vois la mer depuis mes fenêtres, c’est con mais c’est joli.
Certains s’en désoleraient Malgré tout ?