En regardant la couverture de Voici, n° 1110, et en feuilletant ce magazine people, j'ai constaté que les "psys" étaient partout... Ne me demandez pas si ils sont psy(chiatres), psy(chologues) ou psy(chanalystes), là n'est pas la question : ce que nous dit la presse people, c'est qu'ils sont "psys", et ça a l'air d'être déjà bien.
Mais reprenons la une de Voici. On peut y voir Loana, et on titre sur "Les mystères de Loana", mais on peut surtout lire : EXCLUSIF ! LA PSY DU LOFT NOUS PARLE : "J'ai toujours eu peur qu'elle finisse mal". Ce qui est donc annoncé comme exclusif ici, c'est le fait qu'une psy parle de Loana. A l'intérieur du magazine, Marie Haddou, la fameuse psy, répond donc à des questions, explique que la jeune femme doit éprouver un sentiment de frustration. D'après la psy, Loana "manifeste des tendances à la dépression quand elle se sent abandonnée (...) en même temps, elle est trop fière pour demander de l'aide". Elle explique également pourquoi elle "n'a pas réussi sa vie amoureuse" (ce qui, au passage, est dicutable comme question, si on tient compte de la jeunesse de Loana, dont la vie n'est pas finie, bref), c'est parce qu'elle "se jette à la tête des hommes qui du coup, la prennent pour une fille facile. Parfois, elle choisit même des partenaires qui vont la "brutaliser"; ce qui la ramène à son enfance de petite fille battue par son père". Et puis bon, hein ! Comme au café du commerce, on va dire que "ce qu'on peut lui souhaiter, c'est de rencontrer un homme qui ne la brutalise pas".
Voilà !!! Voilà comment d'une part on conduit, par ce type de propos, à décridibiliser une profession toute entière (je suis d'autant plus tranquille en disant cela que je ne suis pas psy), et à amener tout un chacun à faire de la psy à deux balles en reproduisant ces propos, car tout est toujours rapporté très facilement et en deux mots à un malaise profond venu de l'enfance. D'autre part, ces propos conduisent, parce qu'ils sont tenus par une psy, à authentifier le discours de la presse people, et à le placer sur le terrain du véridique, et donc du vrai. C'est vu dans la presse, et en plus, ce n'est pas "recommandé par de grandes marques de machines", mais "authentifié par des psys", ce qui revient au même.
Je tourne la page, et tombe sur "La première sortie de Joy", nouvel enfant du couple Laetitia et Johnny. On "découvre" que les Hallyday ont souhaité montrer Los Angeles à leur fille de 7 mois, très peu de temps après l'adoption. Et, en dessous de l'article, il y a "l'avis du médecin" qui explique que "les décalages horaires, c'est perturbant". Un "médecin à Paris" raconte que les décalages horaires peuvent perturber un bébé... ou pas, selon qu'on laisse à l'enfant le temps de s'habituer, ou pas. On a bien avancé sur le dossier...
Je tourne deux pages, et tombe sur... Jean-Luc Delarue, car "depuis qu'Elisabeth est partie, rien ne va plus". "Seul et incompris", Jean-Luc a changé, "à l'évidence". Et après un article qui explique que l'ex-gendre idéal est déroutant et fragile, on retrouve notre psy de Loana qui, dans un petit encart, explique que "soudain privé de ses repères affectifs, un homme (...) peut se sentir perdu". Marie Haddou tente cette fois d'expliquer le comportement étrange de Jean-Luc Delarue, certainement dû à son nouveau célibat. De fait, elle ramène la personnalité people vers le commun des mortels, et explique finalement qu'une personnalité, comme tout le monde, peut être amenée à craquer. Dans le cas présent, la psy a pour fonction de ramener le people à ce qu'il est déjà, "un homme comme les autres", et nous avons vu souvent sur le semioblog ou dans mon dernier livre, que ce qui différenciait la star du people, c'était bien que le people devait être "comme tout le monde".
Bien sûr, les psys n'ont pas attendu le n°1110 de Voici pour apparaître avec force dans les médias et il y a longtemps que la télévision use et abuse d'explications souvent trop rapides pour faire croire qu'on tente de comprendre et déchiffrer des comportements humains. Mais ils sont de plus en plus nombreux à être sollicités pour expliquer ce qui peut bien passer par la tête des people. Certainement plusieurs raisons à cela :
- Il faut trouver des idées (le nouveau Voici a 20 pages de plus, il faut bien les remplir),
- Un besoin de crédibilité : les psys sont des "spécialistes" avant tout, ils permettent d'asseoir un discours et de le crédibiliser, j'ai moi-même, je le confesse, déjà répondu avec délice à la presse people lorsqu'il fallait expliquer les médias,
- Tout se juge aujourd'hui à l'aune de "la psy", et je ne distingue toujours pas les psy(chiatres) des psy(chologues) ou psy(chanalystes), là n'est toujours pas la question.
Alors continuons d'ouvrir l'oeil, de nous méfier des explications comportementales rapides, et tentons de ne pas tout confondre, même si on nous y invite si souvent.
Pour voir la une du mag :
http://www.voici.fr/potins-people/les-potins-du-jour/loana-et-laeticia-demain-dans-voici-277061?xtor=RSS-4