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Ségolène Royal en Guadeloupe

Publié le 24 février 2009 par Omelette Seizeoeufs

Même l'UMP serait d'accord, j'en suis presque certain, pour dire que la situation en Guadeloupe est assez complexe. D'ailleurs, l'UMP serait sans doute encore plus d'accord aujourd'hui qu'il y a quelques semaines. Je ne prétends pas comprendre ce qui se passe là-bas plus que quiconque, et me contente de constater le désarroi profond du Pouvoir devant cette contestation.

La question coloniale et post-coloniale avaient jusqu'à présent, dans l'essor politique de Nicolas Sarkozy, joué un rôle important, un rôle stratégique : l'exploitation de la xénophobie lui a fait obtenir le soutien d'électeurs prêts à voter contre leurs propres intérêts économiques et sociales, mais très sensibles à ces questions dite, très délicatement, "d'identité". Identité nationale.

Comment faire, cependant, quand on n'est plus candidat et qu'il ne suffit plus de séduire la moitié seulement de la population ? J'imagine que l'espoir initial, la réaction initiale, était d'espérer que l'opinion de la majorité "petit blanc" se retournerait contre la contestation guadaloupéenne. Quelques semaines plus tôt, Sarkozy espérait que la haine du fonctionnaire fainéant servirait à isoler et écraser les enseignants-chercheurs. Soudain, crise économique aidant sans doute, il semblerait que la population s'identifie davantage à ceux que le Pouvoir cherche à dégraisser ou à dompter, qu'à celui, fût-il Très Grand, qui promettait monts et merveilles si seulement il pouvait entreprendre son vaste programme de casse sociale.

Les Antilles sont, paraît-il, assez loin de la métropole. Mais quand on dépense 280 millions (via Juan) pour avoir son propre Air Force 1, la distance ne doit pas poser un énorme problème. Pourtant, le Pouvoir se contente d'envoyer Yves Jégo, comme si franchement la Guadeloupe était trop loin et trop dangereuse pour quelqu'un de plus important. Car Yves Jégo, si ce n'est pas (ça a été prouvé) un apparatchik, est devenu un simple émissaire. Le Pouvoir reste bloqué dans une logique purement coloniale, un conflit qui se passe ailleurs. Pas tout à fait chez nous.

A ce titre, la malheureuse réaction de Martine Aubry était typique de cette attitude: "Je crains effectivement que le sentiment de ras le bol des Guadeloupéens et des Martiniquais se diffuse ici". Ici et là-bas. Ce serait grave, ici. Même si, bien sûr, son intention était de critique l'absence d'action de la part du Chef de l'État.

Et soudain, Ségolène Royal apparaît en Guadeloupe. Nous sommes habitués maintenant à ce que la moindre déclaration de "l'ex-présidente" suscite des réactions excessives. Il faut bien savourer celle du MEDEF local :

L'UMP locale a parlé de "récupération politicienne", tandis que le Medef guadeloupéen assurait ne pas avoir besoin "de politiciens arrivistes, qui viennent nous donner des leçons", invitant la présidente de Poitou-Charentes à "se casser".

Par sa présence, Ségolène Royal a montré que l'on pouvait franchir cette énorme distance entre "ici" et "là-bas", et même en tailleur. Une belle démonstration politique. Et la preuve que le système-Sarko est bel et bien en miettes. Finies les interventions pompeuses où le Très Grand Homme (TGH) débarqué au Tchad, par exemple, pour résoudre lui-même avec ses mains de gladiateur des problèmes qui dépassaient les compétences des intermédiaires. Désormais, il faut des centaines de policiers pour effectuer le moindre déplacement dans des zones rurales de l'Hexagone.

Alors : usurpation ? détournement ? imposture ? manoeuvre politique ? Insincérité de l'ex-Madone ? A quel personnage politique demande-t-on d'être véritablement sincère ? Le geste de Ségolène Royal a supprimé la fausse distance et la fausse différence qui sont celles du mensonge (post-)colonial, qui consiste à dire que là-bas c'est pareil qu'ici, tout en sachant que là-bas ne sera jamais tout à fait pareil qu'ici.


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