La clef du succès
Le plus important pour le succès d'un outil logiciel, c'est d'avoir une bonne place dans le cœur de l'utilisateur. Tous les autres critères de qualité y sont subordonnés: stabilité, économie de ressources, prix, élégance de l'interface, sécurité, etc. Tout finit au même endroit: l'affectif. Je prends toujours du plaisir à utiliser les outils que j'aime, même lorsqu'ils ne sont pas parfaits.Avant de continuer, voici la liste des logiciels que j'utilise avec plaisir:
- Mozilla Firefox
- Microsoft Excel
- Microsoft Visual C#
- Google Maps
- Tortoise SVN
- 7-Zip
- La calculatrice Windows
Pourquoi est-ce que j'aime utiliser ces outils et pourquoi suis-je mal à l'aise avec d'autres? La réponse est bien sûr liée à mon ressenti.
Raison et sentiments
Si je sais que je peux cliquer partout sans faire planter l'outil et sans perdre de données, je me sentirai en confiance. Si je sais que je peux réparer n'importe quelle boulette en cliquant sur "Undo", je n'aurais plus peur de faire des boulettes! Si je sais que l'outil ne me piégera jamais avec une fenêtre que je ne peux pas faire disparaître avec "Annuler", cela m'encouragera à explorer les fonctionnalités.Comme si les pointeurs et les threads n'étaient pas assez compliqués comme ça, voilà que je viens vous expliquer la bouche en fleur qu'en plus il faut faire attention à des notions abstraites comme la confiance, la peur, l'encouragement ou la satisfaction. Diable!
C'est une affaire d'autant plus délicate que qu'un simple détail en apparence bénin peut tout déséquilibrer d'un coup. Vous est-il arrivé de formuler un message d'erreur ou d'information en utilisant "s'il vous plaît"? Comme par exemple: "Veuillez insérer le CD-ROM d'installation, s'il vous plaît"?
Perdu!
Alors que vous pensiez gagner des points en politesse, vous en perdez ailleurs. Cette locution, en effet, qui intervient essentiellement dans des échanges profondément humains, apporte une teinte humaine au message. Or un outil n'est pas un humain ; les humains sont chouettes, certes, mais ils sont aussi par nature complexes, imprévisibles et font des choix par eux-même, les bougres! On a vite fait de vexer un humain, même sans le vouloir, et alors bonne chance pour lui faire copier 650Mo de données d'un disque à l'autre.
De la part d'un outil, c'est tout le contraire qu'on attend. De la part d'un outil, fiable est plus important que poli. Notez d'ailleurs que "s'il vous plaît" n'apparaît pas souvent dans les outils que j'ai cités plus haut, ce qui n'empêche pas certains d'être des best-sellers.
La petite oreille
J'accorde donc une place très importante au ressenti lorsque je crée moi-même un outil. Les meilleurs développeurs savent prendre suffisamment de recul par rapport à leur travail pour écouter leur propre ressenti et le prendre en compte.De même, ils respectent le ressenti des autres. Combien de fois ai-je tenté de me justifier lorsque quelqu'un a émis un commentaire qui relevait uniquement du perceptif, comme pas exemple "pas très intuitif" ou "je n'ose pas cliquer là"? Aucune dose d'explication n'a jamais effacé le fait que ce fut la première impression de cet utilisateur, et il m'a fallu longtemps pour comprendre qu'il valait mieux la respecter et en prendre note pour améliorer celle des suivants. Souvenez-vous, la première impression compte!
"Pour connaître l'homme, il suffit de s'étudier soi-même"
-Stendhal
Henri Beyle, dit Stendhal, était sans conteste un très fin connaisseur de l'âme humaine. Cette petite phrase, en plus de faire très chic sur un blog, nous apprend que notre ressenti ressemble probablement très fort à celui de nos utilisateurs. C'est un peu comme de travailler avec un testeur redoutable, gratuit et disponible sur-le-champ, et qui en plus a les mêmes MP3 que vous. Le rêve!
Mais ce n'est pas tout, car "petite voix" se perd si facilement dans un brouhaha de préjugés et de certitudes! L'arrogance, l'excès de confiance en soi, la passion, l'amour propre sont autant de de gênes à cette perception. Difficile de laisser de côté les heures passées à concevoir une belle fenêtre de dialogue lorsqu'au plus profond de soi, on sent bien qu'elle n'est pas très claire. Il faut alors savoir mettre fin à la phase de quasi-euphorie qui suit la création pour prendre du recul et réévaluer objectivement le résultat.
A titre d'exercice, la prochaine fois que vous créez quelque chose qui vous plaît (une fenêtre, un algorithme, ou même une chanson ou un article sur votre blog), prenez conscience de cette euphorie durant laquelle vous trouvez votre création parfaite, et demandez-vous si vous pourriez, dans la seconde, accepter que le résultat n'est pas au top de ce que vous êtes en mesure d'accomplir. Lorsque ce sera effectivement le cas, vous serez armé pour passer outre le désagrément et produire quelque chose de mieux encore.