Ceci dit, il est un aspect essentiel de la culture culinaire Thaï que je n'ai toujours pas traité: le piment.
Mais d'où vient cette idée? Comment peut-on détruire à ce point le goût des aliments pour le remplacer par une brûlure?
D'abord, le piment n'est pas dans la cuisine Thaï depuis des temps immémoriaux. Ce sont les Portugais et les Espagnols, au gré de leurs explorations du XVème et XVIème siècle qui ont amené les piments: depuis l'Amérique du Sud qu'ils étaient en train de Coloniser vers l'Asie, où s'installaient les coptoirs commerciaux Européens.Le piment a plu et, parfaitement adapté au climat, s'est vite installé dans les habitudes culinaires des Thaï, déjà habitués à "mélanger" les cuisines en provenance des nombreux pays environnants.
L'intérêt du piment dans la cuisine est évident... L'existence de l'expression "pimenter quelque chose" sert à elle seule d'explication.Pourtant, de notre point de vue, c'est la parcimonie qui s'impose. Notre cuisine est assez attachée aux équilibre de saveurs et s'accomode assez mal de l'éruption volcanique engendrée par un plat très épicé. Il nous est assez difficile de comprendre l'engouement, voire même l'addiction pour cette sensation.Quand je parle d'addiction, je ne plaisante pas. Il arrive un point où certains n'apprécient plus la nourriture si elle n'est pas épicée. Je connais pas mal de Thaï qui sont dans ce cas, et il y a fort à parier que c'est la même chose pour des pays comme l'Inde ou le Mexique, grand consommateurs de piment. La preuve la plus évidente en Thaïlande, est le fait que les fruits sont vendus avec un petit sachet contenant un mélange de sucre, sel et piment... Les fraises au piment, c'est pas mauvais, mais un peu surprenant.
Moi aussi il m'a fallu du temps. Et après un an passé ici, je suis capable de manger avec plaisir des plats assez épicés (comprenez très épicés suivant notre échelle franchouille) et de survivre à des plats bien corsés (pas loin du nucléaires pour un néophyte).Je n'ai pas pour autant perdu le goût pour les plats non-épicés. En fait, les chercheurs l'ont montré, l'habitude n'insensibilise pas la langue, elle rend simplement la douleur supportable, voire appréciable.Oui, on n'est pas loin du masochisme... mais ce genre d'atitude "bizarre" se rencontre tout le temps. Regardez les sportifs, accros aux endorphines, les fous des sports extrèmes, accros à l'adrénaline.Le piment, c'est un peu le "sport extrème" de la cuisine. Avec l'habitude, on a moins peur. Pour beaucoup, un peu de temps en temps suffit. Pour d'autres, il n'y en a jamais assez.
Ah, et aussi, avec l'habitude du palais, vient l'habitude du reste du système digestif. Je vous passerai les détails, mais il est évident que la disparition des brûlures gastriques et autres sont appréciables.
Conseils Pratiques:"Bon, tout ça, c'est bien sympa. J'ai bien compris que si on est habitués, ça fait moins mal, mais voilà, moi, je viens en Thaïlande en vacances dans 1 mois, et je vais pas y rester plus de deux semaines, alors comment je fais?".Pas de panique. Voilà quelques conseils de survie.
1. Prévention:
Apprenez à connaître les plats épicés et les plats non épiciés. Il y a en thaïlande de nombreux plats non épicés parfaitement délicieux. Dans le genre "refuge", il y a le "fried rice" (kaow pad gaï, kaw pad moo), le "fried chicken" (gaï yang) avec riz collant (kaow niaow), les brochettes satay ou le "pad thaï" (en général, les sauces picés sont à part).
Bref, pas mal de plats. Tout cela fera l'objet d'un petit guide illustré avec prononciation, commentaires et niveau de piment... quand j'aurai le temps.- Dans le cas du "pad thaï", il peut arriver qu'il soit servi épicé (hé oui, chacun à sa recette, comme le cassoulet). Alors la phrase à ajouter qui sauve la mise c'est "Maï Pett'" (je l'écris à peu près comme vous devez le prononcer). Ca veut dire "pas épicé" et en général, ils vous écouteront. Pourtant, le plat peut s'avérer encore très épicé après cela. En fait, ça dépendra du nombre de touristes qui fréquentent les environs. Si le restaurant est très touristique, il y a des chances que la cuisine soit déjà peu épicée. En revanche, le petit vendeur du fin fond de la rue qui ne voit quasiment jamais de "farang" concluera du "Maï pett'" que vous voulez moins d'un kilo de piment dans votre plat.
- Triez... Certains plats sont servis avec des gros morcaux de piments. Notamment des verts. Même certains Thaï les laissent à part, car ils sont plus supposés avoir "infusé" dans le plat. Et puis n'ayez pas honte, vous n'êtes pas le premier.
Si vous êtes dans un restaurant assez touristique (c à d qu'ils parlent pas trop mal anglais et que la clientèle est pas vraiment locale), et que vous avez spécifiquement précisé "Naï Pett'" ou "Not Spicy", alors retournez le plat... Aimablement mais fermement. - Si vous n'avez pas le coeur ou la possibilité de retourner le plat, alors sachez que l'eau n'apporte qu'un réconfort très temporaire. Le plus efficace, c'est le lait "nhom" ou le riz "kaow".
Petite parenthèse "minute scientifique": La sensation de brûlure est due à la capsaïcine. Celle-ci n'est pas soluble dans l'eau, boire 3 litres d'Evian apaisera mais laissera le "piquant" dans la bouche. Par contre, la caséïne, présente dans les produits laitiers, détache la capsaïcine des neuro-récepteurs, permettant de "laver" la langue et le palais. - Vu que vous êtes probablement tout rouge et en train de pleurer, mon dernier conseil est: faites attention à vos doigts. Si par malheur vous avez un peu de piment dessus et que vous vous frottez les yeux, vous allez vous en souvenir pur un bout de temps.
- Soyez patient... La sensation se dissipe assez rapidement, en fait au bout de 5 minutes en général (mais elles paraissent looooooongues).