Jean Yves Hgron, auteur de Voyager presque gratuit

Par Pascal Guilleux

C'est le premier du genre : Un guide sur les réseaux d'hospitalité.
Cette façon de voyager, vous en avez sûrement déjà entendu parler. Les voyageurs se rencontrent à travers des réseaux de rencontres (dédiées aux voyage!) et chacun propose soit son bout de canapé pour une nuit, soit une visite de sa propre ville ou tout autre service en rapport avec le voyage.
L'ouvrage est paru en Janvier. Il est édité par Solilang qui se veut éditeur de guides de voyage "alternatif et solidaire". L'auteur Jean-Yves Hégron a accepté de répondre à mes questions et d'éclairer ma lanterne sur ce mode de voyage et son guide.

1/ Est-ce une utopie de "Voyager presque gratuit" aujourd'hui ?
Tout dépend jusqu'où l'on est exigeant. De tout temps il y a eu par exemple des "pèlerins" voyageurs qui sont un parfait modèle de voyage sans argent.
Ramenés au monde "moderne", les réseaux d'échanges d'hospitalité ouvrent à tout le monde de nouvelles possibilités :
- être hébergé pour une courte durée, gratuitement  lors d'un voyage à l'étranger
- partager éventuellement un ou des repas avec son hôte
Il reste que le coût du transport souvent important. Comme l'autostop et le co-voiturage sont populaires dans certains de ces réseaux, il est parfois possible de réduire ce type de dépense à 0.
J'ai rencontré des étudiants voyageurs lithuaniens qui faisait en un mois un voyage Vilnius, Varsovie, Berlin, Paris, Barcelone et retour avec 200€.
Dans le guide, nous avons fait une estimation de coût. Clairement la formule peu permettre d'économiser de l'argent. Ce n'est pas en général l'objectif principal des membres de ces réseaux. Une motivation beaucoup fréquemment cités (par ceux qui les utilisent vraiment) est l'échange culturel, l'apprentissage des langues et le développement personnel. On ne parle plus alors d'économiser des euros mais bien de d'enrichissement personnel.

2/ C'est quoi un réseau d'hospitalité ? Cela ne concerne pas que le logement ?
Un réseau d'hospitalité c'est un service habituellement gratuit qui permet à ses utilisateurs, lors de leurs voyages, d'être hébergés pour une courte durée par d'autres utilisateurs. Le principe est celui de la réciprocité potentielle. Vous pouvez être hébergé. Vous pouvez, si vous le désirez, être hôte hébergeant. Vous pouvez aussi faire les deux.
Le réseau d'échanges d'hospitalité vous permet d'entrer en relation avec d'autres personnes intéressées à peu prêt partout sur la planète. C'est ensuite à vous de vous mettre d'accord avec l'autre personne. Il n'y a pas d'obligation à accepter un invité. Il est préalablement bien entendu que personne ne monnaie ses services.

3/ Il y a 3 réseaux d'hospitalité plus connus que les autres, qu'est ce qui pousse les gens à choisir l'un plutôt que l'autre ?
Sur le Web, le plus connu, offrant le plus vaste choix est www.CouchSurfing.com, il est américain à l'origine et comporte 1 million de membres. Il est au départ plus orienté jeune grand public, étudiant. Maintenant avec un million de personnes on y trouve tous les genres. Il n'est pas complètement traduit en français mais est très populaire.
Plus ancien, www.HospitalityClub.org créé part un allemand comprend 500 000 personnes, surtout en Europe. Il connaît de gros problèmes techniques ayant perdu une part importante des bénévoles qui le maintenait, mais il fonctionne encore.
Le plus récent créé (par d'anciens volontaires de HospitalityClub) est www.BeWelcome.org, l'équipe est internationale mais le site est complètement traduit en français. Il est bien plus petit (presque 6 000 membres) mais très actif.
Parmi les trois, bien souvent les gens s'inscrivent à CouchSurfing et BeWelcome. Le premier leur donne accès à une offre très grande, le deuxième leur permet d'être moins noyé dans la masse et est moins américanophone.
Ces trois réseaux sont gratuits, CouchSurfing propose un système de certification qui est payant, mais il n'est pas obligatoire.
Il existe aussi une vie en dehors du Web, Il y a par exemple le très ancien réseau SERVAS basé sur une procédure papier mais qui existe depuis 1949
Le guide "Voyager presque gratuit" fait l'inventaire et décrit une quarantaine de ces réseaux parfois très divers.

4/ Vous vous investissez dans un réseau d'hospitalité, Be Welcome, de quelle manière exactement ?
Depuis 2002 je m'occupais de la coordination de la programmation d'HospitalityClub que j'ai vu grandir de 1000 à 250 000 membres. Le manque de transparence de l'organisation et son absence de statut légal m'ont poussé à me lancer (avec d'autres volontaires) dans BeWelcome.
Pour fonctionner un réseau de ce genre à besoin de monde. CouchSurfing fait appel à des salariés et à des volontaires. BeWelcome ne s'appuie que sur des volontaires bénévoles.
Je m'investis dans l'organisation :
- explications de comment fonctionne les choses aux nouveaux,
- mise en place des processus,
- documentation,
- gestion administrative
Je contribue aussi à la programmation. Le logiciel est en open source, nous avons la chance d'avoir plusieurs programmeurs, et cela offre des garanties supplémentaires sur le respect de la vie privée et des informations privées des membres.
Bien sur j'en profite aussi pour recevoir des invités et être moi même parfois hébergé.
Cela m'a permis de construire un réseau de vraies relations avec des personnes aux compétences très diverses, motivées en Allemagne, Danemark Afrique du Sud, Canada, Etats Unis, Bresil, Vénézuela, Argentine, Espagne, Angleterre, Lithuanie, Suède, Finlande, Norvège, Russie, Inde, Turquie...

5/ Comme ça, vous concernant, un souvenir de voyage qui vous vient tout de suite à l'esprit
Début 2002, j'étais au Japon du coté d'Aomori. J'étais l'invité de Yulia et Katsuya d'un couple Russo-Japonais et de leurs deux enfants.
Nous avions décidé par une belle journée de Février d'aller faire du ski dans les monts Hakkoda.
Nous étions sur une route perdue dans les montagnes  quand une tempête de neige s'est levée et nous sommes restés bloqués dans une auberge traditionnelle sur le flan d'un volcan. 
Il y avait un grand feu de cheminée et nous mangions dans des poêlons une délicieuse fondue (dont j'ai oublié le nom); je me rappelle qu'il y avait  avec des œufs, du tofu et diverses plantes.
Il y avait aussi, sous l'auberge, une caverne avec un onsen (source d'eau très chaude naturelle). L'odeur de souffre était suffocante mais tous les habitants de l'auberge femmes, hommes, enfants en profitaient ensembles.
J'ai ensuite dormi avec tous les autres voyageurs dans la grande salle de l'auberge sur les tatamis.
Personne ne s'inquiétait, tous le monde attendait juste, confortablement la fin de la tempête, hormis Yulia la femme russe de mon hôte, j'étais le seul non japonais de l'auberge.
La tempête levé nous sommes rentrés chez Yulia et Katsuya. Nous n'avons pas fait de ski ce jour là.
Si j'étais resté à l'hôtel à Tokyo, je n'aurai jamais connu cet endroit ni ces gens.
J'ai eu le plaisir de revoir Yulia et son mari Katsuya en noël 2005 chez moi en famille à Vitré avec leur enfants, il n'y a pas eu de tempête de neige ;-)

Le Guide des éditions Solilang, est disponible à la librairie au prix de 9.12€. Il est paru en même temps qu'un récit de Paula Bialski "Intimate Tourism" (en français) qui est une enquête sociologique des "couchsurfers", elle tente de comprendre les motivations d'un tel voyage. Son approche est même presque scientifique !