Miroirs Noirs
d'Arno Schmidt
(Bourgois)
Ou: comment j'ai appris à ne (presque) pas m'en faire & à aimer la bombe
Il ne reste plus que quelques flaques d'eau noire seulement éclairées par la nuit post-atomique alors qu'un quelconque général Ripper à fait des siennes, que les russes & les ricains ont fini par se foutre sur la gueule de manière définitive, genre: l'humanité entière a été soufflée. Nonobstant cette chose inavouable: à savoir que tous les fonctionnaires de Walsrode ont disparu, l'esprit de Düring, lui, est toujours là (youpi!), incarné par un homme surgit du néant, occupé à tenir les pages d'un journal que personne ne lira: le Dernier Homme en lui-même. Comment s'est il démerder pour échapper au cataclysme? [haussement d'épaules dubitatif] car de lui on ne sait presque rien si ce n'est qu'il fut fait prisonnier durant la Seconde Guerre Mondiale (WW2 comme disent les mecs dans le coup) & quelques phrases de souvenirs écrites en secret... Presque rien. Du vide en définitive, du vent... Vent qui se trouve être, avec la Lune & quelques arbres, le plus beau personnage du roman... & du vent il y en a beaucoup dans ce Miroirs Noirs apocalyptique, dernier rejeton de la fratrie Nobodaddy. Tour de passe passe ultime & jusqu'au-boutiste qui clôture un triptyque dont nous manque toujours le panneau du milieu. Fichtre!
Inutilité des pattes de mouches
Le Dernier Homme vadrouille à bicyclette, visite des maisons où dorment quelques squelettes, fait des emplettes bien méritées dans des surplus militaires abandonnés, chipe des bouquins à la bibliothèque universitaire de Hambourg... toujours les mêmes au passage: Cooper, Wieland, Poe, E.T. Hoffmann (on gardera quelques pages de Rilke pour se torcher avec). Le Dernier Homme coupe du bois aussi, c'est un fait, fait rouler des pierres, construit une maison – hum – cabane plutôt, administre un potager, part chasser à l'ancienne, toujours sous l'oeil bienveillant de la Lune. Le Dernier Homme est bricoleur, c'est un débrouillard. Il note tout, respecte un calendrier d'une précision démoniaque & tout ça pourquoi? Sans doute cherche t'il à se détourner du vide abyssal qui l
Rappel technique
Il faudrait que je me plonge avec plus de vaillance dans l'oeuvre de Thomas Bernhard pour ne pas dire de sottises, mais il me semble que ces deux là visent au même endroit.
A-didoudi-doudi-douda-o-di-doudi-douda & ce qui semble s'en suivre
Alors pourquoi Arno Schmidt tâte t'il de l'anticipation? Près de soixante ans avant Minard & McCarthy, peut être bien avant la plupart des grands classiques SF qui boufferont du Dernier Homme jusqu'à l'indigestion. Le roman fut rédigé en 1951 alors qu'Oppenheimer était en train de consommer ses noces avec la Grande Culpabilité. 1951 ou 6 ans après Hiroshima selon l'échelle temporelle de Günther Anders dont on reparle un peu de partout ces derniers temps. Inutile de préciser l'état mental d'angoisse qui régnera durant les années suivantes. Scène de la Vie d'un Faune
Où Sartre est parvenu à me faire bâiller sept fois en trois lignes - tout de même
Elle est intéressante à plus d'un titre, Lisa. Outre l'intérêt purement fictionnel de ce coup de théâtre (Toto n'est plus seul & si il la joue fine il se pourrait bien que la chaîne de production humaine soit de nouveau opérationnelle) on observe aussi un changement flagrant dans le comportement du bonhomme qui commence à penser qu'une repopulation éduquée avec une « semblable » pourrait peut être marcher. Il ne pense plus à la première personne, n'est plus ce type surpris d'employer encore le « on » alors qu'il est absolument seul mais veut bien introduire ce nouvel élément à son équation. D'ailleurs les pages où il parle de Lisa sont parmi les plus belles & les plus émouvantes du livre & elles sont assez singulières dans la plume plus qu'acérée de Schmidt (au pif, page 82: « Lisa: je dégustais « Lisa »; articulais dans l'herbe susurre « Lisa »; soupirais à plein nez (tout ça derrière au ruisseau), j'étais ce que l'on appelle aux anges: Lisa! »). Mais une fois la dame partie, parce qu'elle partira, on découvre la fragilité d'un opiniâtre que l'on pensait pourtant inébranlable. Finalement vivre seul, sans elle. Mouais, bof. Finalement l'écriture: «
Fin ouverte: quel est l'intérêt d'un écrivain qui dépose ses mots dans le vide?
De ça, il faudra certainement reparler. Oui, oui.