(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
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Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.
CHAPITRE 3
DU BESOIN DES CADRES (SUITE ET FIN)
.../Ce cinéphile de Jules Chaumont, qui n’allait jamais au cinéma à cause du noir et de la promiscuité, mais lisait à peu près tout ce qui s’y rapportait d’un peu théorique et susceptible d’un classement dans ses registres bien soignés... retint tout de même cette date funeste de 1933, celle de la sortie en salle du King Kong réalisé par Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack... L’année ou le cinéma commença à savoir fabriquer des monstres affreux pour faire peur à tout le monde et nous les feraient payer de plus en plus cher à l’entrée… Où comme le disait Godard... « mais Godard avait dit tellement de choses déjà ! »
Bref, au jeu des colonnes et des croix ! Jules Chaumont était le chef, et rien ni personne sur son terrain de prédilection n’aurait su ou même seulement oser tenter de lui damer le pion. Une réputation de joueur, international. Le J. Edgar Hoover de la répartition des tâches. Peut-être un jour, reconnaîtrait-on d’ailleurs en haut lieu les véritables capacités du cadre émérite de la brigade départementale foncière troyenne, au point que le dénommé Chaumont finirait un jour secrétaire d’état de la planification générale ou même ministre. Oui, qui sait ? Jules y pensait quelquefois, qui inscrivait ses états d’âme sur les pages réservées aux notes personnelles à la fin de son agenda. Les jours de pluie surtout ! ces jours pisseux d’un crachin en plein été qu’ils détestaient par-dessus tout. Ces putains de saloperies de jours poisseux qui foutaient en l’air l’hygrométrie intérieure des bureaux et dégueulassait le hall d’entrée.
Emprunté aux lois classiques du 7e art, à la dramaturgie de la forme filmique dans le constructivisme russe et en particulier chez Eisenstein... le raisonnement du chef de service était des plus simples : Un conflit permanent à régler. Une arithmétique du mouvement à circonscrire dans la limite de la fluidité cinématographique spécifique aux bandes muettes, et ça ne s’arrangeait vraiment pas avec le temps. À vrai dire, toute une manière de se foutre les syndicats à dos. Le contre champ de la belle façon de penser « chaumontaise ». Oui, la perspective d’un conflit authentique. Une véritable machine de guerre dressée contre les idées à la con du grand maître des croix du septième.
Chaumont et son sens étriqué de la cinétique appliqué aux rapports humains. Jules le cinétriqué par son père (ou ce qu’il restât encore de son estomac déglingué les derniers jours de sa vie !) Jules Chaumont, sa grammaire des relations humaines qui ne se conjuguait qu’à la forme jusqu’au-boutiste de ses principes de cinéma un peu étroits.
Où il n’est certainement pas inutile de revoir la scène (Séquence 14 à 21) — restée célèbre — du grand escalier d’Odessa dans « Le cuirassé Potemkine » en alternance avec les résonnements de Jules Chaumont.
D’une rigueur tout autant déterminée, Jules collectionnait les moindres détails sur l’histoire de la pornographie portée au grand écran, son développement plus tard à la télévision, sur le marché de la vidéo et celui du DVD ensuite… Une multitude de points de vue. Une analyse critique très assidue qu’il pratiquait le soir après le boulot et surtout ses week-ends parce qu’il n’aimait pas la campagne et qu’il avait horreur de sortir par ces temps de chiottes si fréquents dans la région.
Eisenstein, le cinéma muet, la pornographie...
Jules en avait donc tirer à la règle quelques conclusions parfaitement calibrées sur un tableau prévisionnel de sa marque. Des signes distinctifs pour toutes les catégories de personnels et dessinés sur la base d’une croix de St AndréX, chacune parée d’une couleur de référence plutôt pratique à comprendre. Le bleu pour ceux qui pointaient tous les jours à l’heure et quelque soit le temps pourri prévu pour la journée, et puis les rouges (Tous ceux qui n’avaient pas de quoi s’acheter une montre, ceux qui ne couraient jamais assez vite pour attraper leur bus, les trotskistes (Jules prononçait : les trot-x-kistes), les tire-au-flanc, les emmerdeurs de tout poils...)
-X- crux decussata.
Du mot latin crux, pouvant désigner « l’objet du supplice » (pal, potence ou gibet). Pour le Robert, le mot peut également prendre le sens de « torture morale ».
Vanessa ne s’était toujours pas inquiétée de la moue raide et freinée de son chef de service. La jeune femme fit encore deux ou trois choses machinalement sans même s’apercevoir de sa présence, comme continuer de mâcher un morceau de chewing-gum aux fruits commencé la veille en agitant la tête sur le rythme des Pink Floyd, ou tenter d’essuyer toute la transpiration qui coulait sur son fauteuil en plastique à l’aide du revers de sa robe en dentelles presque entièrement déboutonnée. C’est seulement lorsqu’elle s’aperçut de l’ombre portée en train de dévaler de son épaule pour se répandre sur le clavier de son PC, qu’elle redressa la tête d’un coup. « Oh le con ! ». « Pardonnez-moi, je voulais juste dire, Excusez-moi Monsieur Chaumont. Je... À vrai dire, vous m’avez fait une de ces trouilles ! »
« Ces seins... » Jules se prit des paquets de poitrines féminines en pleine figure en commençant par ceux d’Anita Ekberg dans la fontaine de Trevi à Rome, La scène culte de la Dolce Vita, mais préféra tout de suite un plan de Margaret Livingston se recoiffant à la hâte dans une scène de L’Aurore... « Quelque chose qui voue ennuie Monsieur Chaumont ? »
« Non, tout est vraiment parfait » sa nuque brûlée, ses cheveux en cascade sur sa nuque sculptée, ses lèvres assorties à ses grands yeux d’ambre, ses gestes élastiques, son brin d’insolence, l’air oppressant, les gouttes de sueur crevées, la vapeur chaude dilatée en motifs aléatoires sur sa robe. « Je pensais juste... » Le type eut un mal de chien à terminer sa phrase jusqu’au bout... « Vous pouvez m’appeler Jules si vous préférez ». C’était, pensait-il, la moindre des politesses à rendre à cette petite garce, cette petite allumeuse qui avait commencé par foutre en l’air toute sa concentration depuis le début de la matinée. La moindre des choses ! » « Jules... » répondit seulement la pin-up avec des yeux de bonbons écarquillés.
Satisfait et tout à fait rassuré par cette faculté « innée » qu’il vérifiait une fois de plus à prendre les décisions qui s’imposaient ; un pli de contentement s’imprima au coin de ses lèvres moites et toutes recroquevillées. Un sacré connard ! abandonna encore en souriant Vanessa qui s’était replongée dans la lecture de son traité conceptuel de géométrie sociale, et concentrée sur les accords majeurs des Pink floyd- Goodbye blue sky -
Vanessa relut :
Ainsi l’homme dévore l’apesanteur et finit toujours par s’effondrer sous son propre poids. L’homme se rempli, oui par trouille ! il « se comble », fait le plein... se rassasie jusqu’à déborder. Cet homme qui comble le vide comme il remplit les fosses septiques. De sorte que nos sociétés modernes à ce point gavées dans l’assurance de leur cadre protecteur infaillible, L’homme moderne à ce point bouffi de murs d’enceinte, de fortifications parfaites, s’assurent en vérité... les conditions d’un échec pitoyable à se comprendre eux-mêmes pour réussir à se sortir de la merde sans l’aide de personne. Une véritable crise d’intestins, un mal de bide permanent.
Et s’il osait, aujourd’hui, Jules Chaumont ! Si pour une fois il se laissait aller avec cette petite intérimaire qui n’attendait que ça ?… L’idée lui traversa l’esprit comme un grand vide.
Bulletin météo pour la journée du 21 juillet...
Goodbye blue sky - Temps chaud et déjà lourd le matin - Did, did, did, did, you see the frightened ones.Did you hear the falling bombs. Did you ever wonder -Le puissant anticyclone centré sur l’Europe s’affaisse devant une dépression - why we had to run for shelter. when the promise of a brave new world - permettant l’arrivée des perturbations atlantiques qui apporteront beaucoup de nuages et d’abondantes précipitations. Ce front pluvieux laissera toutefois la place au retour rapide des hautes pressions - unfouled beneath a clear blue sky – De grosses chaleurs encore à venir - ooooooooooooooooooooooh
Written by Roger Waters © 1994 Pink Floyd LTD
(À SUIVRE)
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