Commençons par le commencement, bien qu'un résumé des Falsificateurs, au début du deuxième tome, permette de faire l'économie de sa lecture - mais on perdrait beaucoup à s'en passer, parce que le bonheur est dans l'épaisseur de ces deux romans additionnés.
Dans Les falsificateurs, donc, Antoine Bello imaginait une société secrète, le Consortium de Falsification du Réel (CFR), dans lequel scénaristes et falsificateurs travaillent à modifier quelques faits, pour des détails ou dans des proportions plus importantes.
C'est hallucinant.
Le jeune Sliv, un Islandais engagé par la CFR, découvre le pouvoir presque sans limites de réécrire l'histoire. Il invente de toutes pièces une cause humanitaire, se trompe un peu en imaginant la présence dans le Pacifique d'un poisson sorti des expériences nucléaires, se rattrape avec une fausse carte du Vinland qui atteste de la découverte de l'Amérique par les Vikings bien avant Christophe Colomb. Scénariste hyperdoué mais un peu désinvolte, Sliv est une excellente recrue dont le parcours au sein du CFR nous fait douter de tout ce que nous savons ou croyons savoir. C'est vertigineux, construit avec une précision maniaque et efficace.
On en redemandait, et Antoine Bello avait promis une suite très attendue.
Entre-temps, le CFR aura eu affaire à forte partie. Dans le genre falsificateur, l'administration Bush révèle toute sa puissance en imposant l'idée de la présence d'armes de destruction massive sur le territoire irakien. De quoi justifier une guerre...?
Antoine Bello plonge en apnée dans le réel, le réécrit, nous fait partager sa vision d'un monde où tout serait mensonge, construction artificielle.
Il n'est pas impossible, me disait-il l'autre jour, qu'un troisième tome vienne un jour compléter ces deux premiers. Je suis partant.