La Justice est née pour punir l’injustice, mais c’était aussi pour sanctifier l’injustice quand il le fallait dans l’intérêt du Bien tel qu’il était vu par le pouvoir.
Pour ce dernier but, le mensonge était de tous temps un principe juridique supérieur à tout autre.
Le Président actuel, depuis le 6 février 2003, de la Cour international de Justice de l’ONU (voir sa composition actuelle), le juge chinois Jiuyong SHI, en sait certainement quelques choses.
Il lui a durement fallu ce savoir pour prospérer sous la dictature de Mao Tsedung et par la suite.
De même que son vice-président, depuis la même date, le juge malgache Raymond RANJEVA a été formé sous la dictature marxiste à Madagascar de Didier Ratsiraka tombée en 2002 (un écrivain malgache en parle).
La justice est mise particulièrement à l’épreuve quand la foule demande la tête de l’accusé : c’était le cas des audiences de la Cour de l’ONU dans l’avis consultatif, demandé par l’Assemblée de l’ONU, sur “le Mur israélien dans les territoires palestiniens” : exposés écrits et audiences publiques.
Que le mensonge soit partagé dans cet avis consultatif par les juges français, allemand, britannique, néerlandais, slovaque, japonais et brésilien, permet comprendre la nature corrosive du principe juridique de mensonge qui s’est exprimé dans cet avis qui déclare illégal le Mur israélien (un résumé de l’avis fait par la Cour et le texte intégral de l’avis du 9 juillet 2004).
Pour autant, les juges japonais, néerlandais et britannique, après avoir soutenu toutes les cinq conclusions retenues dans l’avis ou la plupart d’elles, ont rédigé leurs opinions individuelles - des véritables cris d’âme où ils s’insurgent contre ces conclusions.
Je parlerais plus tard de leurs drames psychologiques.
Le seul juge qui s’est élève contre le mensonge de chacune des 5 conclusions de la Cour par son vote négatif, était le juge américain Thomas Buergenthal qui a pointé dans une déclaration, point par point, les mensonges érigés en avis de la Cour sur l’illégalité du mur de défense israélien :
La Cour “ne disposait pas d’informations et d’éléments de preuve suffisants” pour rendre l’avis consultatif demandé, dit le juge Buergenthal.
Faute de quoi “les conclusions … de la Cour sur le fond sont viciées”, - constate le juge Thomas Buergenthal.
Puis, le juge Buergenthal entre dans le détail des présomptions mensongères que la Cour a adoptées à la place d’étude des faits :
1) la Cour n’a pas eu le moindre fait (”sans avoir eu à sa disposition ni cherché à vérifier”) sur :
* le “droit naturel de légitime défense d’Israël”
* “ses impératifs militaires et à ses besoins de sécurité” ;
2) la Cour a fait une erreur de droit en réfutant l’application de l’article 51 de la Charte de l’ONU :
- applicable “en cas d’agression armée par un Etat contre un autre Etat” a déclaré la Cour (chapitre Légitime défense et état de nécessité - voir le texte intégral, lien ci-dessus) ;
- une fausse restriction, note le juge Buergenthal ;
3) une application infondée du droit international humanitaire :
- “la Cour n’est pas convaincue” que les actes d’Israël “aient été rendus «absolument nécessaires par des opérations militaires»”, auquel cas ils relèveraient de l’exception admise (chapitre Dispositions pertinentes du droit international humanitaire)
- le juge Buergenthal note que la Cour n’a “aucun fait ou élément de preuve qui contredise précisément l’argument des impératifs militaires” d’Israël ;
3) une analyse “mal fondée” de la Cour qui applique le règlement de La Haye de 1907 qui n’est pas applicable, note le juge Buergenthal ;
4) la Cour a consciemment contrevenu à la procédure juridique en ne demandant pas à Israël des faits nécessaires pour juger de la licéité du Mur :
- le juge Buergenthal note que seulement dans “une affaire contentieuse … chaque partie doit prouver le bien fondé de ses demandes”
- “Israël n’avait nullement l’obligation juridique” de produire ces documents de sa propre initiative sans demande de la Cour, note le juge
- il résume: “la Cour ne saurait conclure que le mur est illicite simplement parce qu’Israël n’a pas produit ces éléments” (de sa propre initiative et sans y être demandé par la Cour).
voter pour et être contre
La seule partie unanime de l’avis est la question préliminaire sur la compétence de la Cour “pour répondre à la demande d’avis consultatif”.
Mais cette unanimité disparaît déjà avec la question préliminaire suivante : faut-il “donner suite à la demande d’avis consultatif” ?
Le juge américain Thomas Buergenthal, trouve que non : il explique, dans sa déclaration, que la Cour a failli à son devoir de se baser sur des faits et qu’elle s’est basée sur des présomptions politiques.
Pourtant, malgré leur vote d’approbation des 5 conclusions de l’avis, certains juges ont exprimé une critique si forte qu’on peut se demander s’ils n’étaient pas piégés par des motifs étrangers à leur conscience juridique.
1) Opinion individuelle du juge japonais Hisashi Owada.
* Le juge Owada dit que la Cour était inéquitable envers la partie israélienne dans les questions du droit et dans l’appréciation des faits :
- Dans la connaissance des faits, il trouve déficientes les informations reçues par la Cour qui expliquent “le point de vue israélien, en particulier la question de savoir pourquoi et comment l’édification du mur telle qu’elle est planifiée et menée à bien dans la pratique est nécessaire et fondée” (point 22 de l’opinion).
Ainsi, le juge Owada rejoint l’opinion du juge américain Buergenthal que la Cour a jugé ce dont elle n’avait pas connaissance de faits.
- “Comme la Cour l’a montré de façon très convaincante”, - dit le juge Owada sur la constatation de la violation par la construction du Mur israélien du règlement de la Haye et de la 4ème Convention de Genève.
Pour conclure la phrase par la négation de cette constatation (point 30 de l’opinion) : “sauf à ce que des arguments suffisamment puissants excluent l’illicéité de l’acte [de la construction du Mur par Israël]”.
Il n’a pas dit plus sur ces puissants arguments qui rendent le Mur licite, mais on peut deviner que ce sont les mêmes arguments qui ont motivé le juge américain Buergenthal dans son vote négatif.
Voilà que la corrosion de l’âme par le mensonge se heurte à des remontées tardives de la conscience juridique.
* Le juge Owada accuse la Cour d’un manque d’objectivité envers l’argumentation israélienne dans la phrase ci-dessous qui termine le point 30 de son opinion individuelle :
“Mais l’important est que la Cour aurait pu, proprio motu, [et n’a pas fait] tenter une recherche approfondie pour déterminer la validité de cet argument [israélien] en fait comme en droit, et présenter une image objective de la construction du mur dans son intégralité, sur la base de laquelle il eût été possible d’apprécier le bien‑fondé de la thèse d’Israël.”
* Le juge Owada est particulièrement contrarié par ce que la Cour a laissé de côté la question de violences envers les populations civiles innocentes et que l’avis ne cherche pas à arrêter “ce cycle tragique d’actes de violence” (point 31 de l’opinion) :
“j’estime tout simplement normal que la Cour lui accorde une large place dans son avis”, - dit-il à propos de ce à quoi la Cour a passé outre ;
“car la Cour doit aborder le sujet à examiner en recherchant un certain équilibre”, - note-il ainsi le déséquilibre de l’avis vis-à-vis les sociétés civiles israélienne et palestinienne qui risquent subir un nouveau cycle de violences sans l’édification du Mur israélien.
2) Dans son opinion individuelle, le juge néerlandais Pieter H. Kooijmans accuse la Cour de se lancer dans les affaires politiques au mépris du cadre juridique :
“S’agissant du fond, le juge Kooijmans se désolidarise de la conclusion de la Cour selon laquelle l’édification du mur constitue une violation par Israël de son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. L’exercice de ce droit entre dans le cadre beaucoup plus large du processus politique” (voir le résumé de l’avis et des opinions individuelles).
Selon le juge Kooijmans, l’implication par la Cour du droit international humanitaire à l’encontre d’Israël est “dénuée de substance”.
Il note que c’est cette implication “dénuée de substance” qui a permis à la Cour de proposer des mesures coercitives contre Israël et qu’il a voté contre ces mesures injustifiées par le droit.
3) L’opinion individuelle de la juge britannique Rosalyn Higgins.
La juge Higgins note que la Cour a agi de façon hypocrite en permettant de “se servir de l’avis en tant que moyen de pression” tandis que la Cour a refusé de telles choses “dans l’avis consultatif sur le Sahara occidental”.
Elle estime que l’avis de la Cour est déséquilibré et partial (”la Cour aurait dû faire… pour que l’avis soit équilibré et impartial”).
Elle est choquée par ce que la Cour n’a pas rappelé à la Palestine ce que lui “impose le droit international [humanitaire]”.
La juge Higgins nie que ” le mur constitue un «obstacle grave» à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination “.
Enfin, la juge Higgins note qu’elle doute sur le bien-fondé juridique des mesures coercitives contre Israël (malgré son vote pour ces mesures !).
Si tous les juges suivent son exemple, alors les tribunaux vont désormais nous expliquer pourquoi ne sont-ils pas d’accord avec leurs propres verdicts.