Ce blog, intitulé ‘Ecritures du monde’, cherche, comme on le sait, à attraper au vol les mots écrits à travers le monde. L’accès à l’univers de l’écriture et de la lecture est pourtant si différent d’un lieu à un autre…
Sur cette photo, je m’arrête un instant auprès de cette femme d’une trentaine d’années. Elle fait partie d’un groupe ethnique, les Padaung (plus connus sous le nom de ‘long necks’ ou de ‘femmes girafes’) qui fait la fortune des agences de voyages au grand dam d’autres ethnies peuplant les montagnes du nord de la Thailande.
Les ‘Long necks’ ont en Thailande, un statut de réfugiés politiques. Ils sont arrivés de Birmanie, durant la dernière décennie, afin de fuir les persécutions. Regroupés dans des villages inter-ethniques, ils vivent de la vente de leur fabrication artisanale (tissages, bijoux de cuivre) et des revenus produits par les entrées payantes dans ces villages.
La femme au long cou cerclé de cuivre m’a fait signe de m’asseoir auprès d’elle. Elle parle un peu anglais. Des bribes que lui ont laissées les touristes en passant. Elle veut savoir d’ou je viens.
Je lui demande si son collier (Plus de 4 kgs), ne lui fait pas mal. Elle rit.
- Non. Cela ne fait pas mal. A cinq ans, au début, oui, c’est gênant. On a un peu mal.
Je lui demande si elle n’est pas ennuyée par le regard des touristes et par les photos qu’on prend d’elle et de ses semblables tout au long de la journée. Elle rit encore.
- Non. Cela ne fait rien. C’est mon job! Et moi aussi, je regarde…
Je regarde avec elle. Les touristes qui passent. Blonds et roses. Ventripotents. Appareils photos sophistiqués au bout du bras. Tranpirants. L’humanité défile. En effet. Qui regarde qui ?
Puis nous parlons des enfants. Est-ce que j’en ai? Combien? Quel âge?
Elle, la femme aux lourds anneaux de cuivre, elle, elle a deux enfants. Une petite fille de huit ans et un fils de 5 ans. Déjà la petite fille va à l’école. Mais pas au village. Au dehors. Pour apprendre à écrire, à lire la langue thai et qui sait, plus tard, l’anglais.
- speak better me. (mieux que moi) dit la mère en rêvant. Mais il faut beaucoup d’argent.
La petite fille ne portera pas les anneaux de cuivre: ‘Elle est timide, à l’école tout le monde la regarderait.’
Sera-t-elle moins jolie, moins regardée que sa mère?
Porter les anneaux de cuivre est source de revenus. Y renoncer en prive et éloigne à jamais de la beauté traditionnelle. Mais n’est-ce pas le prix a payer? Le coût du ticket d’entrée a cet autre monde permettant de lire et d’écrire dans les langues communes aux humains de cette planète. Ces humains apparemment si contents de leur sort, delivrés qu’ils sont du poids des anneaux sur leurs épaules …chargées de leurs rucksacks.
Photo 1: Guy Serriere
Photo 2: empruntee a ce site