Les noces funèbres

Publié le 22 février 2009 par Boustoune


Une équipe de reporters spécialisée dans les documentaires sur les phénomènes paranormaux vient poser ses caméras dans un petit village perdu au fin fond de la Roumanie. Les lieux semblent en ruines, mais soudain apparaissent des dizaines de vieilles femmes, toutes vêtues de noir, le noir du deuil… 
Remake du Projet Blair Witch à la mode des Carpathes ? Enième resucée des films de vampires ? Une histoire de fantômes roumains ?
Non, rien de tout cela… Le premier long-métrage de Horatiu Malaele n’est ni un film d’horreur, ni un film fantastique.
Si fantômes il y a, ce sont les ombres du passé communiste du pays, quand la Roumanie était sous l’emprise de l’URSS stalinienne.
Mais le film n’est pas non plus un drame historique pesant… Comme le laisse à penser son titre français, Au diable Staline, vive les mariés ! (*) est une œuvre pleine de vie, sur laquelle souffle un vent de liberté, et une bonne dose de comédie. Avec son humour paillard et braillard, ses acteurs truculents, hauts en couleurs, et tous très bons, le film s’inscrit dans la lignée des œuvres déjantées d’Emir Kusturica.
 
Le scénario retrace les événements qui se sont produits dans ce petit village, en mars 1953. La première partie, un brin longuette, montre la vie de la communauté, rythmée par les joutes verbales entre les rares membres du Parti Communiste local – le maire et une poignée d’adjoints pas très futés – et les autres paysans, plus soucieux d’aller boire une petite prune à la taverne du coin que de se préoccuper de politique, mais aussi par les chamailleries entre deux familles au sujet de la liaison qu’entretiennent Ana et Iancu, deux jeunes gens épris l’un de l’autre. Tout finit par s’arranger lorsque le jeune homme accepte d’épouser sa belle. La réconciliation est générale, l’alcool coule à flots et le mariage est programmé pour la semaine suivante.

Mais la liesse est de courte durée. Les troupes russes entrent dans le village, pour annoncer la mort du camarade suprême Staline. Ils ne sont pas d’humeur à plaisanter : tout rassemblement public est interdit, toute manifestation de joie est prohibée et le silence est imposé, en signe de deuil. Bref, la noce doit être annulée… Les villageois essaient bien de négocier, arguant que toutes les victuailles préparées pour l’occasion vont être perdues, rien n’y fait. L’inflexible officier russe leur fait même comprendre que toute dérogation à ses requêtes sera punie de mort.

Mais la fête aura quand même lieu, de façon clandestine, au cours d’une extraordinaire dernière partie. Une petite merveille d’humour et de poésie digne des meilleurs films de Jacques Tati ou d’Otar Iosseliani, qui justifie à elle seule le déplacement.
Evidemment, on devine que cet acte de douce rébellion ne sera pas sans conséquences. Mais mieux vaut mourir libre que vivre opprimé. Et ce beau film, grave, mais surtout léger, tragique, mais plein d’optimisme et de générosité, scelle la victoire de l’amour sur la mort…
Note :
(*) : Le titre original Nunta Muta « les noces silencieuses » était bien plus simple, et bien plus beau…


Tags : Au diable Staline vive les mariés, Nunta Muta, Horatiu Malaele, communisme, Roumanie, mariage, liberté, humour, poésie