Humour mauricien

Par Ananda
Des contes à
mourir de rire ? Pas sûr !

Yvan MARTIAL


Le dernier né de la Collection Maurice de Rama Poonoosamy et de
l.agence de publicité Immédia ,Rire sous le Soleil (Rainbow Humour ou
Gidi Gidi pour anglophones et créolophones) met la barre peut- être
trop haut, en plaçant cette série de nouvelles sous le signe de
l.humour.

Le rire est chose trop sérieuse pour qu'on le laisse entre les mains
de rabat- joie. L'humour a ceci de commun avec l'amour : on ne badine
pas avec.

La littérature n'est heureusement pas humour continu. Encore qu'on
aime bien, entre deux envolées lyriques, rencontrer un clin d'oeil,
nous invitant à ne pas prendre trop au sérieux le luth que doit saisir
tout poéte a- musé... L'ambition de faire sourire son lecteur ne
suffit guére.

Faut- il encore ne pas l'ennuyer sous une avalanche de détails
descriptifs, relevant davantage d'un rapport d'arpenteur juré.
L'auteur doit quand même épouser l'angoisse du lecteur, se demandant
au bout de quelques paragraphes : « Diantre où veut- on nous mener ? »
Je n'hésite pas à accorder la palme de la meilleure invitation au
sourire, à Brinda C. Veerappen ( j'aime ta droiture)- Pillay, pour son
Amis à tout prix . La briéveté de sa nouvelle doit y être pour
beaucoup dans ma complaisance.

Même pas trois pages pour forcer le lecteur à convenir au verdict sans
appel : Bien envoyé ! Ça nous change des trente pages des Ruses du
bonheur de peut- être Rooma Meetoo mais pas forcément de ses lecteurs.
Ce qui est appréciable avec Brinda va- droitau- but c'est qu'au bout
de seulement deux paragraphes, ses lecteurs sont dans le bain. Des
papas faizéres , se vantant des prouesses de leur progéniture, qui
n'en rencontre pas et à la pelle ? La plaisanterie, clouant le bec à
ces géniteurs, fiers de leur sperme, est peut- être connue de nombre
de lecteurs. Elle redevient savoureuse quand elle est aussi finement
narrée.

Autre concours et autre verdict également incontestable : celui
accordé par un jury d'enfants, à un vénérable vieillard, ayant osé les
admonester, en leur reprochant de faire étalage de leurs mensonges
enfantins. « Je n'ai jamais menti de ma vie ! » leur prétend- il. «
Grand- pére, vous avez gagné et de loin notre concours du plus gros
mensonge débité » , lui dirent- ils alors le plus cérémonieusement du
monde.

Le bogue de Jeannine Trublet- Descroizilles est bien construit, sauf
que nous savons tous, à présent, que celui de l'An 2000 fut plutôt
fusette. En revanche, nous pouvons toujours sourire à la mine
déconfite des membres de quelques sectes, grimpant au sommet d'une
colline, dans l'attente d'une fin du monde.

Lire Special Adviser de Sailesh Ramburn, en pleine campagne électorale
Tonton versus Neveu , en décuple le plaisir. Nous rions de bon coeur à
voir ces gouttes d'angoisse, perlant sur le front de politiciens
inquiets ou débutants. La queue ( de l'histoire) est, toutefois,
plutôt alambiquée. A prendre pour un compliment car d'autres histoires
du recueil nous navrent car allant nul part.

Restons dans la campagne électorale, pour vous en donner, en primeur,
les résultats : And the Winner of the Bye- Election of Moka- Q.-
Militaire is… Jugnauth, pardi !

« Nous restons sur notre faim »

Nous avons parlé de queue alambiquée, c'est dire que l' Histoire d'Q
d'Umar Timol nous a plu. Ses descriptions d'une belle queue à palper
amoureusement a de quoi nous émoustiller. A qui appartient- elle ?
Donnons notre langue au chat. Encore que Lilian Berthelot veut
reprendre celle- ci, dans son amour d' Avant'hier . Ah ! la belle
queue que voilà molle quand je suis dure dure quand je suis douce . Du
grand art.

Bettina Cadinouche n'est guére tendre pour nos égoutiers, mais comment
lui donner tort quand elle asséne certaines vérités, dures à avaler, à
une société qui condamne allégrement le pire de ses enfants à finir
baydoum alors qu'ailleurs on les condamne au gibet, sinon à
l'échafaud.

Jean Claude Andou nous amuse avec sa journée mondiale du naturisme
mais, au fil des pages, ses nudités finissent par nous laisser de
marbre. Tito était parti de Sonia Serra peut passer pour une nouvelle
bien construite mais pas au point de nous faire rire aux éclats. On
peut dire la même chose du Porte- à- porte d'Anjani Murdam qui se fait
un point d'honneur de nous réserver, mais trop tardivement, un
revirement de situation, plutôt tiré par les cheveux.

Les jeux de mot et autres traits d'esprit de Lilian Berthelot font
mouche comme d'habitudes. Mais aprés les drôleries, parsemant
Avant'hier , nous restons sur notre faim.

Ananda Devi Nirsimooloo- Anenden nous révéle un talent de dramaturge.
Mais comme elle met en scéne des Dieux, nous préférons ne prendre
aucun risque. Un anathéme est si vite arrivé. Ce n'est pas le moment
de mourir de rire.

Yvan Martial, L'Express