C’est un livre que je qualifierais d’écrasé, carcéral, blanc.
Il regroupe une série de sept textes avec au centre la partie intitulée
« De l’été », position centrale qui lui permet d’irradier sur tout le
livre ; mais cet été-là n’est pas la saison du bonheur, mais une saison de
canicule, de « soleil à blanc »,
dominée par des « cigales mentales »
et la « voûte hypercielleuse ».
C’est un univers à la Raynaud, blanc clinique carrelé. Où dominent les murs,
les prisons, la police, ce soleil écrasant, une solitude extrême, la mort.
Aucune présence de l’autre ici, mis à part les policiers, un idiot du village et une énigmatique blanchisseuse aux petits seins bruns,
seule note de douceur de toutes ces pages. L’unique dialogue, le seul objet
d’amour, et c’est terrifiant, est un mur : le mur est mon ami. Ici pas de désespoir noir, plutôt un désespoir
blanc, celui du couloir de la mort. Lutte de la langue avec tout ce blanc. A la
langue aussi il est fait violence : elle est souvent sectionnée, parfois
démembrée mais avec cependant une syntaxe qui fonctionne presque normalement ;
c’est une langue blanche, plate, langue du vide faites de mots chaulés. Il n’y a pas de couleurs, pas de métaphores mais des
constats, des procès-verbaux. Procès verbal de la langue, celle que haïssent
les policiers comme le démontre le dernier texte qui met en scène une langue
qui serait prisonnière d’un corps de policier.
Quant à son titre, mystérieux (mais je ne suis hélas pas
hélléniste), je penche pour une contraction, magnifique, de Elégie et de
hémiplégie (du grec, plêgé, coup, choc), la plainte douloureuse alliée à la
paralysie, le choc paralysant inhibant de la douleur…..
Beau livre, très dur. Et d’une telle cohérence avec ce que
fait, défend, écrit, édite Cédric Demangeot !
©Florence Trocmé
un
extrait de ce livre et la bio-bibliographie
de Cédric Demangeot dans Poezibao
Cédric Demangeot, Eléplégie,
Atelier La Feugraie, 2007
isbn, 978-2-905408-76-1,
12,50 €