(Légende : Nojoud et sa petite soeur Haïfa. Crédit photo : Delphine Minoui)
C'est une véritable victoire dans le camp des femmes yéménites. Après une mobilisation sans précédent des associations féminines, émues par l'histoire de la petite Nojoud, divorcée à dix ans, le Parlement vient finalement de réformer la loi sur le mariage.
Dans un article rédigé par sa rédactrice en chef, Nadia al Saqqaf, le Yemen Times revient sur les principaux points de cette nouvelle loi, acclamée par les défenseurs des droits des femmes :
- L'augmentation de l'âge légal du mariage, qui passe de 15 à 17 ans, pour les garçons et les filles, et la nécessité d'obtenir l'approbation du juge en cas de mariage précoce.
- Le conditionnement de la polygamie à la bonne situation financière du mari et à la nécessité d'informer la première épouse. Une condition permettant d'éviter la multiplication des familles tentaculaires, telles que celle de Nojoud (son père a deux épouses et 16 enfants), et incapables de survenir au besoin des enfants.
- En cas de divorce, la garde des enfants revient à la mère jusqu'à ce qu'ils aient atteints l'âge de 12 ans.
- En cas de décès du père, la garde des enfants revient à la mère.
Le blog « Hahdramouts » évoque également les pénalités encourues en cas de violation du premier amendement à la loi. « Les parents qui marient leurs enfants en dessous de l'âge légal seront emprisonnés pour un an et devront payer une amende de 500 dollars », peut-on lire. Dans le cas sans précédent de Nojoud, et à cause du vide juridique sur ce sujet, le juge avait acquitté le père et le mari, après avoir prononcé le divorce.
« C'est une véritable avancée pour les femmes et les hommes du Yémen », s'enthousiasme Houria Mashour, la vice-présidente du Comité National des Femmes, dans les pages du Yemen Times.
Cette réforme de la loi n'aurait jamais pu avoir lieu sans la mobilisation sans précédent de l'avocate Shada Nasser qui, en saisissant le dossier de Nojoud, en avril dernier, et en le portant sous son aile jusqu'au divorce, permit de briser le silence sur un problème très largement répandu.
Cependant, comme le rappellent les nombreuses associations, cette nouvelle reste une demi-victoire. Au-delà de la loi, ce sont également de vieilles traditions tribales et culturelles qu'il leur faut combattre, surtout en milieu rural...
De plus, le flou reste encore total sur le devenir des petites divorcées comme Nojoud, qui restent malheureusement vulnérables. Aujourd'hui, la petite n'est pas à l'abri des pressions exercées par son père. Après l'avoir laissé faire sa rentrée des classes (financée, entre autre, par les droits d'auteur de son livre, qui vient de sortir à Paris), en septembre, ce dernier l'encourage aujourd'hui à sécher les cours afin de la garder sous la main pour monnayer les interviews de journalistes occidentaux qui continuent à venir frapper à sa porte. Je viens ainsi d'avoir la confirmation par la directrice de l'établissement scolaire que Nojoud faisait l'école buissonnière.
Aujourd'hui, la meilleure façon de l'aider, c'est de la laisser tranquille. Comme elle l'a bien fait comprendre lors de son passage à Paris, « les interviews, ça suffit ! ». .. Mais dans leur course effrénée à l'image, les télévisions continuent à s'agglutiner comme des abeilles devant sa porte, quitte à glisser quelques dollars dans la poche du papa, ravi de pouvoir aller s'acheter sa dose hebdomadaire de qat. Ce n'est pas rendre service à Nojoud.
Un communiqué de presse s'alarmant de son absence à l'école et de la pression imposée par son père vaudrait mille fois mieux qu'un énième reportage sur son histoire.