L’écosystème du sud du Mexique possède toujours d’innombrables variétés de maïs, mais probablement beaucoup moins qu’à l’époque des civilisations flamboyantes des peuples méso-américains. Il est vrai que l’isthme mexicain est – était – un paradis de la biodiversité. Toutes les géographies s’y côtoient, de la mer aux hauts sommets, des forêts primaires aux vallées arides, de sols acides à d’autres basiques… Un terrain idéal pour que chaque espèce vivante s’y propage en développant des caractères si peu communs que certains ont même cherché l’explication de ces multitudes de plans dans les étoiles.
L’homme a su profiter de ses caractéristiques en « inventant » probablement « le système de culture le plus intelligent de la planète » (Charles C. Mann) et surtout une des plus innovantes inventions de l’homme, le maïs, ou plutôt les maïs. Bleus, jaunes, rouges, noirs, oranges, on en trouve de toutes les couleurs et même des multicolores. Certains ont des grains de la taille du riz, d’autres de cerise. D’une vallée à l’autre, les plans diffèrent, les façons de l’accommoder aussi
tamalitos, niquatole, tortilla, arépas, tamales, enchiladas, tacos, pupusas, pozols, chilaquiles, flocons, mote, pupusas, putascat, lacoyo, l’ogi (ou ugi) et koko africaines, l’aish merahra egyptienne et le célèbre popcorn qu’inventèrent les indiens d’amérique du nord. Les boissons ne sont pas en reste ; chicha, tejate, atole, colados, pinol et toutes sortes de bières …
Rien qu’au Mexique, on a dénombré plus de 50 variétés locales de maïs. Mais les cultivars de la Méso-Amérique atteignent le chiffre record pour le monde végétal de 5000. Pas étonnant dès lors que l’on trouve du maïs dans le monde entier, des Andes aux plaines du Canada ou de la Russie, des hauts plateaux andins aux terrains sous le niveau de la mer des plaines caspiennes.
Lorsque l’on se promène au Mexique, l’évidence de la civilisation maya est à chaque coin de rue, au sein des tortillerias, ou s’expose une gastronomie qui a conquis le monde, même si certains de ses trésors ont été depuis oubliés. Soit bouilli, soit grillé, le maïs ordinaire immature, est sans doute le plus consommé. Mais d’autres, le maïs denté et le maïs farineux, aux grains très tendres,le maïs vitreux et surtout le maïs doux et le maïs perlé, sont toujours cultivés pour l’alimentation. D’autres, tels que le maïs vitreux, sont plutôt utilisés comme fourrages.
Tous le monde sait ce qu’est une tortilla, cette crêpe de farine de maïs, base de l’alimentation mexicaine. Peu savent réellement préparer la farine. Traditionnellement, les grains de maïs sont séchés puis plongés dans une soupe d’eau et de chaux, chaudron magique ou se perd la fine peau translucide qui protège chaque grain. Opération indispensable avant de les broyer et d’obtenir la fine farine odorante et fragile qu’il faut utiliser rapidement car elle ne se conserve pas. Il y a urgence, y compris après la cuisson, de les consommer aussitôt. Le goût ne supporte pas l’attente. Ceux qui ne connaissent que ces tortillas insipides préparées industriellement, ne peuvent imaginer l’ampleur gustative de cette denrée. Il est vrai que le maïs industriel n’a pas le goût des petites productions des cultivateurs traditionnels. Le maïs, comme le vin, exprime le terroir. Comme certains grands crus, des vieilles femmes réalisent au fond de leur pauvre cuisine, des assemblages. Il y en effet autant de variétés de maïs que de cépages. Et malgré la pression commerciale des Mosambo et consorts, d’irréductibles fils de mayas continuent de faire pousser des variétés anciennes sur de minuscules lopins de terre. En s’attachant d’en conserver les particularités.
Autre attachement à la biodiversité, ces agriculteurs pratiquent des plantations alternées sur leur lopin appelé « milpa ». Du coup et au contraire de l’agriculture industrielle, les terres ne s’épuisent pas grâce à la complémentarité qu’offrent les différentes variétés de plantes cultivées. Le milpa « fait partie des inventions les plus fructueuses de l’histoire » (H. Garrison Wilkes). Certains milpas sont ainsi exploitée depuis plusieurs millénaires sans appauvrissement de la terre. Avec l’arrivée de hybrides modernes, nécessitant eau et traitements chimiques, la terre des milpas est purement et simplement condamnée… La diversité des variétés actuelles également.
L’origine du maïs est une énigme scientifique. De nombreux chercheurs continuent aujourd’hui à rechercher l’ancêtre sauvage de cette céréale. Les soupçons se portent sur le téosinte. Mais paradoxe, cette plante est très ramifiée alors que le maïs possède une large et unique tige. Ses grains, de plus, sont durs et impropres à la consommation. De toute façon un épi de téosinte ne possède pas la valeur énergétique d’un seul grain de maïs. Mais le pire est que le téosinte ne possède pas de variété indéhiscente, cette faculté qui empêche l’épi de perdre ses grains au vent lors de la maturation, permettant ainsi la récolte, mais empêchant la dissémination. De là, à conquérir le monde… Mais alors, comment le maïs, cet orphelin indéhiscent par excellente, a bien pu apparaître ? Le Musée National du Patrimoine Mexicain détient une réponse en affirmant que « le maïs n’a pas été domestiqué mais créé » ! Il s’appuie sur une théorie qui explique l’apparition du maïs par une série de sélections de plants mutés de téosinte, qui s’effectua sur quelques dizaines de générations d’agriculteurs. Une belle constante… comme si le projet était dicté par une volonté divine !
Au XXIe siècle, le maïs poursuit son évolution au même rythme que les technologies de l’homme.
Aujourd’hui, sort cet avis de l’organisme AFSSA qui met en avant « un retour à la raison » et plutôt que de donner des leçons, aurait mieux fait de se taire… Il est vrai que l’AFSSA n’a aucune raison d’être prudent puisque cette agence lutte contre la prudence, la plus élémentaire, celle affichée par les scientifiques qui n’affirment pas qu’il y a nocivité, mais qui affirment ne pas savoir s’il y a nocivité. Bon, c’est vrai, faut suivre… et comme ils sont pas scientifiques, faut les comprendre !
Toujours est-il que c’est l’AFSSA qui représente la France à Bruxelles auprès de l’Agence Européenne de sécurité des aliments.
On a peut-être quelques soucis à se faire… sauf que L’union Européenne n’est pas claire. Là aussi perdurent des ambiguïtés. Si l’UE défend le maïs transgénique, parallèlement, la Cour de Justice Européenne annonce sur ce dossier que « les données concernant l’évaluation des risques pour l’environnement ne sauraient rester confidentiel ». Tiens donc, je croyais qu’il n’y avait pas de risques ! Faudrait voir à s’entendre…