Dehors, les frimas perdurent. Dans les foyers, la chaleur résiste et s’affirme : « Un dîner presque parfait » sur M6 mitonne l’audience, cartonne et met du liant dans le relationnel médiatique et intepersonnel. La chose prend une résonance toute particulière en ces temps de guerre froide économique et de déprime consumériste. Sous la rudesse du fond de l’air, l’on pouvait craindre une résurgence du travail, famille, « pâtes-riz ». Par bonheur, à l’image de la « Marmite de bouillon » proposée par Knorr – vocable dénotant un concentré hyperbolique, pantagruélique et quasi orgiaque d’épicurisme -, le marketing culinaire tente de capter la quintessence du terroir, du naturel et du partage pour pallier la rudesse des climats (sociétaux, économiques). Ni plus ni moins que les agapes contre la déprime.
Ainsi en est-il d’un produit a priori peu sexy : le gnocchi. Génétiquement basique et modeste, le gnocchi est à sa manière, et à l’instar du ravioli, un parangon de la simplicité culinaire et de la modestie économique. Le défi des industriels proposant des gnocchi à poêler n’était donc pas aussi mince qu’une feuille de brick. L’air de rien, la démarche tend à démontrer la pertinence des innovations en période d’atonie économique. En bref, la crise favoriserait l’innovation, notamment sur des produits… de crise. Au-delà du levier praticité d’usage, l’idée sous-jacente est de réenchanter les féculents et leurs succédanés : conférer du croustillant au moelleux, de la sensation à la mollesse, de la surprise à l’attendu suprême. Et accessoirement, renforcer la valorisation (dans toutes les acceptions du terme) du produit. Le CNIPT (Comité national interprofessionnel de la pomme de terre) ne dit pas autre chose dans sa campagne publicitaire, en ponctuant la mise en scène de son Eden ( la pomme de terre comme idéal!) revisité d’un mot d’ordre faussement paradoxal : « La pomme de terre, contre l’ennui, pensez-y ».
En somme, la cuisine se révèle comme le vecteur essentiel d’une forme de back to basics enjouée au plan social et sociétal, dont le terroir, ou bien le vintage dans la mode, sont des hypertrophies. En cuisine comme en musique, le blues peut décidément avoir du sex appeal.