La glucosamine est fabriquée par l'organisme à partir du glucose et de la glutamine, un acide aminé. La glucosamine ainsi produite joue un rôle crucial dans le maintien de l'intégrité du cartilage de toutes les articulations. Si, en raison d'une déficience métabolique ou en conséquence du processus de vieillissement, l'organisme ne produit plus de glucosamine en quantité suffisante, les cartilages se mettent à dégénérer et l'arthrose s'installe.
En cas d'arthrose, la supplémentation en glucosamine apporte un soulagement des douleurs articulaires. Au-delà de cet effet, il semble qu'elle puisse stopper ou ralentir la progression de l'arthrose, contrairement aux anti-inflammatoires classiques qui, à long terme, accéléreraient la dégénérescence des articulations. On n'a pas encore élucidé le mécanisme d'action de la glucosamine, mais il se pourrait qu'elle augmente l'action lubrifiante du liquide synovial et ralentisse la dégradation du cartilage.
La glucosamine du commerce est synthétisée en laboratoire à partir de la chitine extraite de la carapace des crustacés (crevettes, langoustines, crabes, homards). Elle se présente généralement sous la forme de sulfate de glucosamine, mais on en trouve également sous la forme de chlorhydrate de glucosamine et de N-acétyl-glucosamine (NAG). Selon certaines études, principalement sur des animaux, la forme chlorhydrate est mieux absorbée que la forme sulfate1,2. Les experts ne s'entendent pas sur l'efficacité de l'une ou l'autre forme, mais jusqu'à présent, la très grande majorité des études a été menée avec du sulfate de glucosamine.
Historique
En 1969, des médecins allemands faisaient état pour la première fois de l'utilisation clinique de la glucosamine pour traiter des patients souffrant d'arthrose. La substance thérapeutique était alors injectée directement dans les articulations atteintes ou administrée par voie intraveineuse ou intramusculaire. À la fin des années 1970, une firme italienne (Rotta Research Laboratorium) a mis au point des comprimés de sulfate de glucosamine, ce qui facilitait l'administration de cette substance. D'abord très populaire en Europe, la glucosamine a gagné les faveurs du public nord-américain, si bien, qu'en 1998, plus d'un milliard de capsules ont été vendues aux États-Unis.
La grande majorité des études a porté sur l'arthrose du genou, quelques-unes sur l'arthrose de la hanche.
Arthrose. La glucosamine a fait l'objet de plusieurs méta-analyses et synthèses concluant à son efficacité pour soulager les symptômes de l'arthrose légère à modérée3-5. Les auteurs de la plus récente méta-analyse (avril 2005) ont scruté 20 essais à double insu avec placebo ayant porté en tout sur 2 570 sujets6 et sont arrivés aux mêmes conclusions. Cependant, ils précisent qu’au cours de 65 % de ces essais, les chercheurs ont utilisé un produit sous ordonnance commercialisé en Europe et fabriqué en Italie par la compagnie Rotta Research Group. Or, les résultats indiquent que l’efficacité de ce produit est supérieure à celle de la glucosamine en vente libre utilisée dans d’autres études. Les auteurs de cette méta-analyse soulignent également que des essais comparatifs ont démontré que les effets de la glucosamine étaient semblables à ceux des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) classiques, tout en ayant nettement moins d’effets indésirables.
Bien que certains essais cliniques aient donné des résultats négatifs7-9,15, les données de l'ensemble des recherches menées à ce jour indiquent que la glucosamine soulage, au moins légèrement, les symptômes de l'arthrose légère à modérée (douleur, mobilité restreinte). L'étude GAIT (Glucosamine/Chondroitin Arthritis Intervention Trial), financée par les National Institutes of Health des Etats-Unis, est parue en février 2006 et a donné des résultats non concluants. Cela a fait beaucoup de bruit, notamment parce qu’elle a porté sur 1 500 sujets et qu’elle a été publiée dans le prestigieux New England Journal of Medicine15. Certains experts ont cependant mis les conclusions de cet essai en perspective, soulignant l’importance de l’effet du placebo (voir les résultats ci-dessous) et la performance à peine supérieure du célécoxib (Celebrex) : voir notre nouvelle pour en savoir plus à ce sujet. Noter que la combinaison glucosamine-chondroïtine a donné de bons résultats (meilleurs que ceux du célécoxib) chez les sujets souffrant de douleurs modérées à graves.
Au cours d'une étude de grande envergure, on a comparé durant six mois les effets d'un placebo à celui de trois traitements différents : de la glucosamine (500 mg de chlorhydrate, trois fois par jour), de la chondroïtine (400 mg, trois fois par jour), une combinaison de ces deux substances, et du célécoxib (un anti-inflammatoire non stéroïdien de nouvelle génération, 200 mg par jour).
Par ailleurs, les résultats de deux essais cliniques à long terme (trois ans chacun, 414 sujets en tout) indiquent que l'action de la glucosamine, en plus de ses effets sur les symptômes, peut contribuer à freiner l'évolution de la maladie10,11.
Notez également que les résultats d'une étude à double insu contre placebo (janvier 2003, 46 sujets) indiquent que la glucosamine (2 000 mg de chlorhydrate par jour) peut faire diminuer la douleur et améliorer la mobilité des personnes souffrant de douleurs aux genoux causées par une blessure aux cartilages ou à d'autres causes comme l'arthrose12.
Note. Deux études à double insu avec placebo indiquent que la prise combinée de glucosamine et de chondroïtine s’est révélée efficace pour soulager les symptômes de l’arthrose du genou13-14. Les résultats de l’étude américaine de grande envergure mentionnée plus haut vont dans le même sens, mais seulement dans le cas des sujets atteints de douleurs modérées à graves15.
Les résultats préliminaires d’une étude effectuée en Europe ont été divulgués en novembre 2005 au cours de l’assemblée annuelle de l’ACR16. L’essai GUIDE (Glucosamine Unum in Die [une fois par jour]), d’une durée de six mois, a porté sur 318 patients souffrant d’arthrose au genou16. Ces derniers ont pris soit un placebo, soit 1 500 mg, de sulfate de glucosamine une fois par jour, soit 1 000 mg d’acétaminophène trois à quatre fois par jour. La glucosamine s’est révélée plus efficace que le placebo et que l’acétaminophène pour soulager la douleur des patients. Le produit utilisé au cours de l’essai GUIDE, est un médicament sur ordonnance qui n’est pas offert en Amérique du Nord.
Précautions
Attention
Diabète
- Les résultats d'études menées sur des animaux de laboratoire, indiquent que, lorsqu'elle était administrée par perfusion, la glucosamine pouvait interférer avec le métabolisme de l'insuline et, possiblement, provoquer une hypoglycémie17-21. Cependant, on n'a jamais démontré de lien entre la glucosamine prise oralement et un effet sur le diabète et aucun incident de ce type n'a été rapporté à ce jour (voir L’avis de notre pharmacien, plus bas). Par contre, la glucosamine peut donner de faux résultats positifs lorsque le taux de sucre est mesuré à l'aide d'un glucomètre.
Allergie aux crustacés
- Bien qu'aucun cas d'allergie n'ait été signalé à ce jour, certains conseillent aux personnes allergiques aux crustacés de faire preuve de prudence puisque la glucosamine du commerce est synthétisée à partir de la chitine extraite de crustacés. Notez cependant que ces allergies sont reliées aux protéines, qui sont habituellement absentes des suppléments de glucosamine offerts dans le commerce.
Hypertension
- Privilégier les suppléments de glucosamine sans sodium.
Asthme
- En 2002, un cas d'asthme chronique exacerbé par la prise d'un supplément combinant la glucosamine et la chondroïtine a été rapporté, mais le lien de cause à effet n’a pas été établi22.
Contre-indications
- Éviter durant la grossesse et l'allaitement en raison du manque de données toxicologiques.
Effets indésirables
- Généralement sans effet indésirable notable, même à raison de 3 000 mg par jour. Une augmentation de la dose de base (1 500 mg par jour) peut cependant entraîner des selles molles. Rarement, malaises gastro-intestinaux.
Interactions
Avec des plantes ou des suppléments
- Aucune connue.
Avec des médicaments
- Médicaments hypoglycémiants. Théoriquement, les effets de la glucosamine pourraient s'additionner à ceux des médicaments hypoglycémiants.
L'avis de notre pharmacien
La glucosamine interfère-t-elle avec le diabète et l’insuline?
La glucosamine jouit d'une popularité grandissante auprès des professionnels de la santé et de la population en général. Cependant, plusieurs professionnels hésitent à la recommander à cause d'une interférence possible avec le diabète et son traitement.
Il y a en effet controverse, car certains auteurs affirment que la glucosamine augmente la résistance à l'insuline et aggrave le diabète, tandis que d'autres mentionnent, au contraire, que la glucosamine pourrait produire une baisse de glycémie (taux de sucre dans le sang).
Une première source de confusion vient du fait que la glucosamine est une molécule qui contient du glucose. Cependant, comme la glucosamine ne peut pas être scindée par l'organisme, celui-ci ne peut pas l'utiliser pour produire du glucose.
La deuxième source de confusion vient des études sur la résistance à l'insuline effectuées sur des animaux. Ces derniers reçoivent une injection continue de glucosamine dans le sang (perfusion), qui permet de simuler la résistance à l'insuline. À l'arrêt de la perfusion, les taux d'insuline et de glucose reviennent à la normale. Les résultats d'une perfusion de glucosamine sur des animaux se comparent très difficilement à une administration orale chez des humains. Les concentrations sanguines de glucosamine obtenues par perfusion sont de beaucoup supérieures à celles normalement obtenues en usage oral.
Dernier point : les substances qui servent à évaluer le contrôle du diabète sont des métabolites glycosylés (par exemple : hémoglobine glycosylée). Ils sont normalement absents chez l'individu sain et apparaissent lorsque la glycémie reste trop élevée pendant quelque temps. En mesurant les taux sanguins de ces métabolites, on obtient une indication du niveau de contrôle du diabète. Si la glucosamine prise oralement aggravait le diabète, elle ferait alors augmenter les taux de métabolites glycosylés. Or, ce n'est pas le cas.
En novembre 1999, dans une lettre publiée par le journal scientifique The Lancet, les collaborateurs de Dr Reginster, auteur de la plus importante étude sur la glucosamine, ont infirmé les allégations selon lesquelles cette substance augmenterait la résistance à l'insuline. En effet, chez les patients diabétiques ayant participé à cette étude d'une durée de trois ans, le contrôle de la glycémie, plutôt que de se détériorer, semblait s'être amélioré. La glycémie à jeun de ces patients avait tendance à baisser. Donc, en usage oral et dans un contexte où le contrôle de la glycémie est adéquat, la glucosamine n'aurait pas d'influence négative sur le diabète et pourrait même avoir un effet positif.
Même si la glucosamine n'affecte pas le diabète, le diabétique qui désire en prendre doit toutefois user de prudence. En effet, tout comme la vitamine C à haute dose qui n'affecte pas la glycémie, mais peut être confondue avec du sucre par l'appareil de mesure (lecteur de glycémie), la glucosamine pourrait provoquer des résultats de lecture faussement élevés appelés «« faux positifs »», ce qui peut affecter le suivi de la maladie. Comme seulement certains lecteurs semblent confondre la glucosamine avec du sucre, on suggère à chaque patient de vérifier avec son propre appareil si la lecture de la glycémie est affectée. De plus, il est très important de cesser la prise de glucosamine une semaine avant un test de glycémie veineuse profonde (prise de sang effectuée par une infirmière). Ces mises en garde doivent être suivies jusqu'à ce que de nouvelles études apportent des éclaircissements sur cette possibilité de fausse lecture de la glycémie.
Jean-Yves Dionne, pharmacien
N.B. La résistance à l'insuline est la diminution de la sensibilité des récepteurs cellulaires à l'insuline. Cette résistance entraîne des taux sanguins d'insuline et de glucose plus élevés. À plus long terme, elle occasionne un dommage vasculaire qui pourrait être à la source des atteintes vasculaires observées chez les diabétiques.
Bonne journée,
Marie claude
ref: Passeport.sante