Et comment parler de transport sans montrer également le surplace, social ou affectif, qui les touche à un moment ou à un autre. Denis montre des personnages résignés mais pas désespérés, qui décident de ne pas subir la stagnation de leurs existences, mais au contraire d'en profiter. Par le biais de nombreuses scènes de bar, elle évoque la force de l'union, du métissage, sans pour autant faire de son film l'édifiante étude sociologique amorcée dans le premier quart d'heure (notamment par le biais d'un cours d'anthropologie). Là n'est pas la question : 35 rhums n'est pas une leçon de morale, mais un film sur ce qui fut appelé avec dédain la France d'en bas, ceux qui la font, ceux qui la vivent, avec parfois des bleus à l'âme mais en s'appuyant toujours sur du positif.
Portée par des interprètes juste exceptionnels (Venise aurait dû leur accorder une récompense collective), voilà une oeuvre qui prouve, si besoin était, que Claire Denis est l'un des rares piliers du cinéma hexagonal, capable de basculer dans la noirceur déconstruite au détour d'un film avant de s'ouvrir au monde dans le suivant. Avec toujours l'ambition d'un cinéma de qualité, porté l'air de rien par une écriture ciselée et une image étourdissante (ah, Agnès Godard). juste une très grande artiste, dont on devrait reparler d'ici peu, puisqu'un autre de ses films (tourné avant celui-ci) devrait sortir dans l'année.
8/10
(autre critique sur Tadah ! Blog)