Chantal, Patrick et les jumeaux passent les relâches de février en Engadine. Alors que Patrick, Louis et Hugo s’éclatent lattes aux pieds dans des portions de paysage hérissées de skilifts, Chantal proteste «contre la violence aveugle des remontées mécaniques et du sport de masse» en pratiquant la raquette à neige et en prenant acte avec consternation de l’enthousiasme que son mari et ses fils nourrissent pour les télésièges chauffants. Et l’effort vrai, alors? Et la magnificence d’une nature intacte? Et le CO2? Incroyable qu’il suffise d’un hiver à peine plus rude pour que tout le monde oublie que la planète est au bord du gouffre. D’autant plus que tout ce froid et toute cette neige prouvent le réchauffement!
Bref, c’est la débandade. Patrick dit de plus en plus de mal de la Prius et a atteint des sommets de mauvaise foi pendant les quatre petites heures durant lesquelles ils ont dû patienter (moteur éteint) aux portes du tunnel de la Vereina. «Je t’avais dit qu’on aurait mieux fait d’aller en Autriche!, a-t-il fulminé. Mais non! Avec ton obsession de consommer local, on se retrouve bloqués avec tous les cons!» Quant à Hugo et Louis, c’est une catastrophe: ils ne pensent plus qu’à la compète et à éclaffer au slalom «les taches qui skient pas parallèle».
Pourtant, Chantal ne s’avoue pas vaincue. Et comme elle n’a pas trouvé d’école de ski alternative susceptible de transmettre de vraies valeurs à ses fils, elle a empoigné le problème à sa façon. En les menaçant pendant que Patrick était aux toilettes de les priver de slalom et de «torta di nusch» pour le reste de la semaine. Ça a marché: depuis mercredi, Louis a dit deux fois «Ce qui compte, c’est de participer» et Hugo a renchéri «Pis tout le monde, il a des qualités».