La long tail ou longue traine en français, est la théorie de Chris Anderson qui excite les e-commerçants depuis quatre ans maintenant.
La théorie promettait d’inverser les règles traditionnelles du commerce. On allait vendre “plus de moins”( à moins que ce ne soit le contraire), et un choix infini allait provoquer une demande infinie. Une bien jolie martingale en perspective.
Là, ce sont aujourd’hui plusieurs études qui remettent en cause ce mantra marketing du web.
La Long Tail qu’est ce que c’est ?
Cette tendance serait impossible à exploiter par les magasins traditionnels qui de fait de leur limitation de surface marchande et de stockage doivent faire des choix et se concentrer le plus possible sur ce qui se vends.
Sur Internet par contre, le cout de mise en ligne d’un produit supplémentaire étant faible, les étagères virtuelles infinies, l’effet de longue traine allait pouvoir jouer à fond.
La Longue Traine fâchée avec les stocks réels
Tout gestionnaires de stock cherche en permanence à optimiser son assortiment à la demande. Moins il y a de demande sur un produit, moins son stock se doit d’être élevé.
Tout argent qui est investit dans un produit qui se vends peu est de l’argent qui ferai mieux d’être investi dans ceux à rotation rapide qui génèrent du chiffre d’affaire.
Les couts de stockage ne sont pas seulement ceux des bâtiments occupés mais bel et bien ceux de la marchandise qui prends la poussière en immobilisant inutilement de la trésorerie.
La longue traine qui favorise donc des stocks immenses semble donc bien peu compatible avec les réalités d’un commerce qui favorise le juste à temps et les stocks optimisés.
Mais peu importe les bien réels, la longue traine c’est la théorie de l’internet, des bien immatériels, des bien culturels.
Vraiment ?
Devriez-vous investir dans la longue traine ?
En 2008, la première à tirer fut Anita Elberse, avec son article Should you invest in the long tail ? pour la Harvard Business Review .
Après avoir étudié les résultats de Quickflix (un loueur de vidéo par la poste) et Rhapsody (un marchand de musique en ligne au forfait) elle a dressé un portrait sensiblement différent de la vision de Chris Anderson.
La longue traine, existe bien mais elle est très longue et très fine, remplie de produits qui se vendent peu ou pas du tout. Si effectivement cela ne pose de problème majeur au distributeur qui de toute façon ne paye rien pour “stocker” ce bien immatériel, on peut se demander comment les producteurs vont faire. Ces derniers vont avoir intérêt à rationaliser leurs catalogues s’ ils veulent gagner leur vie.
Une longue traine d’invendus
Une seconde étude faite par l’équivalent anglais de la SACEM enfonce le clou encore plus.
L’étude a montré que sur un total de 13 million de titres disponibles, 52 000 -soit 0,4%- avaient fait 80 % des téléchargements.
Sur les 13 millions de titres, 10 millions n’auraient trouvé aucun acquéreur.
Les auteurs, qui visiblement en ont après la théorie de la long tail, font perfidement remarquer que 52 000 titres correspondent à 4300 albums, soit heureuse coïncidence le nombre d’albums disponible dans un Wall Mart d’après Anderson.
En gros, ils déclarent que le surplus de choix disponible en ligne n’a que peu d’intérêt économiquement parlant par rapport à un magasin.
Comparer la musique en ligne, bien immatériel qui se vend au morceau, à la vente de CD en magasin me semble un peu étrange, mais après tout c’est Anderson qui à commencé cette comparaison.
Chris Anderson réfute cette étude, l’identité du site de musique n’étant pas connue. Les auteurs,Will Page and Gary Eggleton sortiront un livre en mai de cette année.
Réseaux sociaux, et longue traine
Duncan Watts un sociologue de l’université de Columbia a mené une étude (Science, vol 311, p 854) sur les gouts musicaux auprès de 14 000 adolescents volontaires. 48 titres étaient librement disponibles en téléchargement. Les volontaires furent divisés en huit groupes, certains groupes avaient des fonctions sociales permettant de voir ce que téléchargeaient les autres membres, d’autre pas. Résultat, dans les groupes sociaux il y eu le phénomène du Winner takes it all, à savoir exactement l’effet inverse de la long tail, mais un blockbuster qui rafle tout. Ce qui est étonnant c’est de voire que même sur un choix aussi limité, les membres d’un réseau s’influencent autant. Les biens culturels dans leur consommation sont des biens sociaux par essence. Une des définition de culture est “ensemble des éléments distinguant une société, un groupe social, d’une autre société, d’un autre groupe”. Elle suppose donc un consensus et non pas un éparpillement des gouts individuels.
Paradoxe du choix
Internet aurai beau nous proposer des choix infinis, nous sommes individuellement et collectivement limité. Limité par le temps que nous pouvons consacrer à nos recherches, limités par notre culture et limité par notre nature. Plus le choix est grand, plus nous avons du mal à choisir et usons de techniques de réassurances (Qu’est ce que les autres ont choisit ? , est ce que c’est une marque sérieuse , etc…). Les commerçants les plus efficaces ne sont pas ceux qui offrent le choix le plus grand, mais ceux qui facilitent au mieux le choix de leur clientèle. Aprés laisser croire au client que son choix est infini est un procédé vieux comme le commerce, “On trouve tout à la Samaritaine”.