Cette proposition vient de passer à la moulinette de la Commission des institutions politiques du Conseil national qui ne voit aucune incompatibilité entre les deux statuts et qui vient de rejeter la proposition socialiste par 16 voix contre 8, soit dans une proportion correspondant exactement au rapport de force droite-gauche.
Pour la socialiste vaudoise Ada Marra membre de cette commission, ce résultat «n’est pas une surprise» et il est la manifestation d’un comportement «ancré dans les gênes de la droite» qui ne peut pas se défaire de la moindre parcelle de l’influence qu’elle exerce sur le juteux commerce de l’assurance-maladie en Suisse.
A titre d’exemple, en 2008, ce sont les parlementaires du lobby des assureurs-maladie qui ont rédigé l’article constitutionnel faisant office de contre-projet à l’initiative populaire UDC finalement retirée. Fort heureusement, cet article constitutionnel, qui inscrivait dans la Constitution les principes de concurrence, de transparence mais aussi de qualité et d’efficacité économique des prestations, fut rejeté par une grande majorité des votants et des cantons le 1er juin dernier. Mais tout de même, les chambres, dominées par la droite, l’avaient accepté au préalable et les conséquences d’un «oui» auraient été dramatiques : fin du libre choix du médecin, détermination du catalogue des prestations remboursées par les caisses-maladie elles-mêmes, diminution du nombre de lits d’hôpitaux, nouvelle assurance complémentaire pour les soins à domicile … entre autres. En un mot comme en cent, on l’a échappé belle !
Si la parlementaire vaudoise «se refuse à dire que les élus bourgeois membres d’un conseil d’administration d’une assurance maladie touchent une enveloppe après chaque vote qui leur est favorable», force est de constater que ces parlementaires déploient de gros efforts et manifestent une belle harmonie dans la défense du lobby des assureurs-maladie.
De là à dire qu’il y a conflit d’intérêt entre le rôle de parlementaire et le celui de membre du conseil d’administration d’une caisse-maladie, il n’y a qu’un pas que Jacqueline Fehr a franchi avec élégance et à juste titre du point de vue des usagers et des citoyens. Mais, vu du côté des élus bourgeois et des assureurs maladie, il n’y a aucun conflit d’intérêt, bien au contraire : leurs intérêts coexistent en parfaite harmonie et ce n’est pas une petite parlementaire socialiste qui va briser cette belle symbiose.
Et ce n’est pas le Conseiller national libéral et président du conseil d’administration de santésuisse Claude Ruey qui dira le contraire.
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