[Parution in Journal du Jeune Praticien n°349 du 1er novembre 1995]
Appelée parfois « échelle de Jacob » par allusion biblique au rêve de Jacob sur la nature arborescente de sa descendance, la régression (ou hiérarchie) infinie est un type de paradoxe illustré notamment, au début du XXème siècle, par la célèbre image des « bonshommes Ripolin ». Récemment, le gouvernement français eut recours à ce type de rhétorique dans une campagne publicitaire du Ministère du Travail : « Des mesures pour que les entreprises créent des emplois pour créer des clients pour créer des emplois pour créer des clients… ». Si le gouvernement utilise une telle communication gigogne, c’est sans doute pour souligner le caractère complètement imbriqué de l’économie, où toute action dans un domaine a des répercussions sur d’autres facteurs, sans qu’il soit vraiment possible d’en traiter un seul isolément : pas de relance sans emploi, et pas d’emplois sans relance… Moderne avatar du débat scolastique sur « la poule et l’œuf » ! Notons que ce genre de structure gigogne s’apparente au phénomène d’homothétie interne, étudié depuis une vingtaine d’années par le mathématicien Benoît Mandelbrot dans sa théorie des objets fractals. Bien que cette description (tautologique) ne soit pas la définition « officielle » d’un objet fractal, on peut le concevoir comme un système dont tout composant est aussi un objet fractal : chaque élément représente une réplique de l’ensemble à échelle réduite et, réciproquement, le tout est la réplique « dilatée » de ses parties.