[Parution in Journal du Jeune Praticien n°351 de décembre 1995]
Il existe en France une loi (limitant ainsi la liberté d’expression) qui « réprime la diffusion de fausses nouvelles ». Mais que faire, si un journal publiait l’information suivante : « Notre journal sera poursuivi pour avoir publié cette fausse nouvelle » ? Si des poursuites sont exercées, elles ne peuvent plus l’être, puisque le texte publié aura dit vrai ! Et s’il n’y a pas de poursuites, il devrait y en avoir, car le texte devient alors mensonger !… On reconnaît là une version prévisionnelle du fameux paradoxe d’Épiménide-le-menteur (« Je mens »). Logiciens et philosophes (tel Karl Popper) apprécièrent ce type d’apories prévisionnelles où l’assertion véridique devient automatiquement fausse, et vice-versa. Comme la célèbre parabole des « géants subtils et cruels », immolant à l’Idole de la Vérité tout visiteur disant une vérité, et à celle du Mensonge tout visiteur menteur : Charybde ou Scylla ! pourtant, un visiteur échappe un jour à cette illusoire et terrible alternative, en prophétisant le « ni vrai, ni faux » : « Je serai immolé à l’Idole du Mensonge ! »