[Parution in Journal du Jeune Praticien n°358 de juin 1996]
Le décalage culturel suscite parfois des situations de retournement paradoxal. Certains Touaregs peuvent ainsi prendre pour offense… une main tendue ! Car dans leur civilisation, une main doit seulement être effleurée, mais jamais serrée, ce qui serait considéré comme blessant. De même, un médecin peut, sans même s’en rendre compte, se disqualifier auprès de certains patients africains, par le simple fait de leur demander « qu’est-ce qui vous pousse à me consulter ? ». Car, dans leur culture, le savant, le marabout, le toubib (étymologiquement : « celui qui sait ») n’ont nul besoin d’interroger celui qui s’adresse à eux : les vrais sages ont en effet, à leurs yeux, la science infuse ! Par suite, le seul fait de recourir à un interrogatoire peut discréditer le praticien auprès de ces patients, quelle que soit la pertinence de ses questions, puisque demander implique, ipso facto, qu’il ne possède pas la quasi-omniscience des « vrais sages » ! Intelligenti pauca disaient déjà les Romains : au sage, peu de mots suffisent…